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REVUE MUSICALE

Théâtre de l’Opéra : la Dame de Monsoreau, opéra en 5 actes et 7 tableaux, paroles de A. Dumas et A. Maquet, musique de M. G. Salvayre.


De certaines œuvres il est difficile de savoir ce qu’on pense. De certaines autres il est cruel d’avoir à le dire. Dans la série des opéras représentés depuis quelques années à l’Académie de musique, la Dame de Monsoreau vient de prendre la place de Marino Faliero parmi les portraits des doges de Venise : une place noire, voilée de crêpe. Autant, plus même qu’un article de critique, il faudrait faire ici un article de condoléances. Et nous le ferions de tout cœur si les musiciens ne s’offensaient également des condoléances et des critiques, s’ils prenaient leurs échecs comme des malheurs ordinaires, dont sans honte ni rancune on se laisse plaindre et consoler. Hélas ! après avoir élaboré une œuvre en quelques années, ou l’avoir dépêchée en quelques mois (peu importe), c’est une grande douleur de voir repousser cette œuvre qu’on aime, de ne trouver d’écho nulle part aux voix qu’on a cru entendre chanter en soi-même. Ah ! que nous étions plus à l’aise il y a quinze jours, ici : nous n’avions guère à parler que des morts. Mais les vivans ne souffrent pas sans colère qu’on parle d’eux autrement qu’ils ne pensent. Ils nous pardonnent encore moins nos critiques que nous ne leur pardonnons leurs œuvres. Qui dira la grandeur de l’art et la petitesse des artistes, « les petits hommes et leurs petites