comme autrefois le grec sous les successeurs d’Alexandre. Il n’y aurait qu’à dissoudre les sociétés telles que « l’Alliance française, » à supprimer les subventions du ministère des affaires étrangères aux établissemens d’Orient, à engager les maronites et les catholiques de tout rite à choisir un autre patronage. La place désertée par la France ne resterait pas longtemps vacante. Le jour où elle aurait quitté les côtes du Levant, n’y laissant que les ossemens de ses croisés sous leurs églises en ruines, il se trouverait d’autres puissances pour se substituer à elle et se partager cette clientèle catholique dont certains démocrates font si bon marché. L’Autriche s’en est déjà emparée sur l’Adriatique ; l’Italie serait heureuse de recueillir le reste et de devenir à son tour la grande puissance catholique.
La Russie n’a garde, il est vrai, de demander à la France une pareille immolation. La succession de l’homme malade n’est pas encore ouverte, et tant que Stamboul reste aux mains de celui que Metternich appelait le sublime portier des détroits, l’Orient est assez grand pour deux. Le champ reste ouvert à la concurrence des diverses puissances. Français et Russes peuvent exercer leur influence côte à côte et, au besoin, se liguer contre leurs communs compétiteurs. Pour qu’une alliance se noue entre deux pays, il n’est du reste nullement nécessaire que leurs intérêts soient partout identiques ; il suffit qu’ils ne soient pas inconciliables, et que l’un des alliés ne prétende pas imposer tous les sacrifices à l’autre. Lue bonne alliance ne doit pas ressembler à celle de l’homme et du cheval, elle doit se faire sur un pied d’égalité ; les services doivent être réciproques et les avantages communs.
C’est précisément, semble-t-il, le cas de la France et de la Russie durant ces derniers temps. Animées d’un mutuel respect pour les intérêts l’une de l’autre, ne se sont-elles pas réciproquement soutenues dans les deux questions qui tenaient le plus à cœur à leur diplomatie, en Égypte et en Bulgarie ? Aux bords du Nil, le gouvernement de Pétersbourg appuie l’action française. Sur le Balkan, la France a secondé les vues de la Russie. Les deux, gouvernemens se sont aidés à réparer leurs Revues. En Égypte, la France, docile aux conseils de M. Clemenceau, avait eu la simplicité de s’évincer elle-même au profit de l’Angleterre. La Russie devait concourir à empocher le khédive de se métamorphoser en rajah indien. À Sophia, les agens du tsar n’avaient pas su ménager l’amour-propre de leurs cliens slaves ; les Bulgares, las du rôle de frères cadets, avaient, eux aussi, voulu far da se. Le prince de Battenberg ayant abdiqué, la France n’avait aucune raison d’appuyer à Sophia un candidat désagréable à Gatchina. Pour ne pas reconnaître le prince Ferdinand, la république n’avait nul besoin