Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 85.djvu/868

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en Allemagne comme en France. Tandis que le droit français proclame la faute ou la responsabilité du patron, à moins d’une preuve contraire, l’ancienne législation allemande obligeait l’ouvrier victime d’un accident à prouver que la faute ne provenait pas de lui. L’article 384 du code civil français dit : « On est responsable non-seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou de choses que l’on a sous sa garde. Le père et la mère, après le décès du mari, sont responsables du dommage causé par leurs enfans mineurs habitant avec eux ; les maîtres et les commettans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu’ils sont sous leur surveillance. La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère, instituteurs ou artisans, prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité. » De son côté, la loi allemande du 7 juin 1871, sur la responsabilité des entrepreneurs d’industrie, s’exprime ainsi : « § 1er. Si un homme est tué ou lésé corporellement dans l’exploitation d’un chemin de fer, l’entrepreneur de l’exploitation est responsable du dommage subi, à moins de prouver que l’accident provient d’une force majeure ou de la faute de la personne tuée ou blessée. — § 2. Quiconque exploite une mine, une carrière ou une fabrique, est responsable du dommage quand un gérant, un représentant ou une personne employée pour la surveillance de l’exploitation ou des ouvriers détermine, dans l’exécution de son service et par sa faute, un accident qui cause la mort d’un homme ou lui attire une lésion corporelle. »

La différence entre l’ancienne loi allemande et le code français est essentielle : d’après la première, l’ouvrier atteint par un accident est tenu de prouver au juge devant lequel il porte plainte que l’accident provient de la faute du patron ; d’après le code, le patron doit fournir la preuve qu’il n’a pu empêcher le fait qui engage sa responsabilité. En Allemagne, la loi nouvelle du 6 juillet 1884 introduit, en l’accentuant davantage, le système appliqué en France sous le régime du code civil. Elle cherche à régler en même temps, d’après des dispositions fixes, le montant de l’indemnité due dans les différens cas, tandis qu’auparavant la jurisprudence abandonnait, dans chaque cas particulier, au juge, le soin d’évaluer le montant des dommages-intérêts. Les promoteurs et les partisans de l’assurance obligatoire alléguaient, comme avantage de ce régime, la suppression des procès engagés entre ouvriers et chefs d’établissemens à propos des demandes d’indemnité. Ils soutenaient de plus que l’institution d’assurance, tout en garantissant à l’ouvrier victime d’un accident les dommages-intérêts auxquels il a droit, imposerait une moindre charge au patron dans l’établissement duquel