Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 85.djvu/863

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette manière de socialisme d’état ne trouva pas cependant l’assentiment du Reichstag, qui, tout en acceptant le principe de l’obligation pour l’assurance, voulait borner le rôle de l’état à l’initiative et au contrôle des institutions jugées nécessaires ou désirables, en abandonnant aux intéressés directs, tenus à payer les frais, les soins de l’administration. Le principe de l’obligation, admis par le parlement allemand, porte bien atteinte à la liberté individuelle et ne répond pas à la doctrine orthodoxe du laisser-faire, du laisser-aller. Dans nos sociétés civilisées, toutefois, la liberté absolue ou complète est un idéal incompatible avec les exigences de la vie réelle ; elle subit des restrictions dans l’intérêt commun de chaque nation, qui impose aux citoyens d’inévitables sacrifices pour le bien général. À ce point de vue, l’adoption des lois protectrices pour les ouvriers se justifie. Une résistance quelconque contre l’application de cette législation nouvelle ne sert plus à rien en Allemagne, devant le mouvement d’opinion qui se prononce en sa faveur. D’ailleurs, le chancelier de l’empire ne s’est pas obstiné à faire prévaloir son idée première du socialisme d’état pur et simple, par l’institution de caisses ouvrières entretenues aux frais communs de la nation. Plus d’une fois, dans ses conférences familières tenues chez lui, le soir, en dehors des débats officiels du parlement et du conseil fédéral, il s’est déclaré disposé à entendre l’avis des hommes compétens, à accepter toute modification susceptible d’améliorer ses projets. Cette condescendance a permis tout particulièrement de sauvegarder les institutions issues, en Alsace, de l’initiative privée. Mieux encore, les lois ouvrières allemandes se sont ainsi modelées, en partie, sur les institutions de secours et de prévoyance dont les chefs d’industrie des provinces conquises ont, depuis longue date, donné l’exemple.

La première des lois ouvrières votée par le Reichstag date du 15 juin 1883, et ordonne l’assurance des ouvriers contre la maladie. En principe, et d’une manière générale, cette loi oblige les communes à fournir les secours nécessaires, en cas de maladie, aux personnes soumises à l’assurance, quittes à exiger des associés une cotisation suffisante pour rentrer dans leurs avances, pour couvrir les frais de la caisse. C’est donc l’assurance communale, Gemeinde-Krankenversicherung, qui établit la base de l’institution et forme la règle. A côté de l’assurance communale, la loi autorise ou impose l’établissement de caisses distinctes, avec une administration autonome en vue des mêmes services. Plusieurs communes peuvent aussi se réunir en association pour l’assurance en question. Si le nombre de personnes soumises à l’assurance obligatoire atteint 100 tout au moins, elles peuvent fonder une caisse des malades