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Une pareille tentative ne me paraît pas chose naïve ou simple. Ne faisons-nous pas au ministère de l’agriculture des essais sur des systèmes de culture? Nous en faisons également dans nos usines. Pourquoi serait-il inutile de tenter des expériences semblables dans l’intérêt des ouvriers et pour la solution de la question sociale? Si on peut me faire un reproche à ce propos, c’est tout au plus de n’avoir pas persévéré pour mener l’œuvre à bonne fin. Mais cela n’entrait pas dans le ressort de mon département ministériel. Le temps nécessaire m’a manqué. La guerre, la politique extérieure, m’ont absorbé entièrement... Autant qu’il m’en souvienne, la partie industrielle a bien marché dans l’expérience en question : la partie commerciale a présenté plus de difficultés pour l’écoulement rémunérateur des produits. Peut-être la cause de cet insuccès tient-elle au manque de confiance des ouvriers allemands les uns à l’égard des autres et dans les administrateurs et les supérieurs, au défaut de cette bienveillance mutuelle que nous voyons chez les sociétés coopératives en Angleterre. En tout cas, je ne comprends pas que l’on me reproche d’avoir fait un pareil essai, non avec les fonds de l’état, mais à l’aide de l’argent donné par Sa Majesté sur ses ressources particulières. »

Vingt ans et plus se sont écoulés depuis ces premiers essais pratiqués en vue d’améliorer la condition des ouvriers, et le gouvernement allemand continue à rechercher les moyens susceptibles de conduire à la réalisation de ses projets. A la place des subventions pour les associations coopératives de production sont venues les caisses obligatoires d’assurance contre la maladie, contre les accidens, contre l’incapacité de travail résultant de la vieillesse ou d’infirmités. Le puissant homme d’état, qui a pris l’initiative de la réforme sociale dans tout l’empire, poussait son œuvre avec plus d’ardeur que jamais. Nous verrons tout à l’heure quelles sont les perspectives d’avenir de cette nouvelle tentative. Avant de soutenir dans leurs aspirations légitimes les travailleurs paisibles et honnêtes, le prince de Bismarck a éprouvé la nécessité de mettre un frein aux débordemens du socialisme. Dans le cours des mêmes débats où il a rappelé la dotation des sociétés coopératives de production, il s’explique sur la loi d’exception contre la propagande révolutionnaire par la presse et par les réunions publiques. Ses combinaisons pour trouver une solution pacifique du problème ouvrier avaient été interrompues brusquement par un manifeste de Liebknecht et de Bebel, où, dans un appel pathétique, les chefs du parti socialiste présentaient au peuple allemand le régime de la commune comme le prototype d’organisation politique de l’avenir. « Cet appel communard, s’est-il écrié, a été un trait de lumière qui m’a révélé dans