socialisme allemand à son début, au point que M. Liebknecht a été engagé un moment comme rédacteur de la Norddeutsche Allgemeine Zeitung, devenu l’organe officieux du chancelier de l’empire. Dans la suite, les conditions économiques, l’exagération des entreprises sous l’effet de l’indemnité de guerre française, la fièvre des fondations après le versement des milliards, la hausse des salaires et du prix des subsistances qui en est résulté, puis l’inévitable débâcle du krach, la réduction consécutive de la main-d’œuvre, ces perturbations ont troublé tour à tour l’existence des ouvriers. Ainsi une succession de crises, un développement trop rapide de l’industrie manufacturière, après une courte période de prospérité jusqu’alors inouïe, a laissé un prolétariat mécontent aux prises avec cette question de l’estomac, dont est sorti le socialisme.
Les députés socialistes partagent la manière de voir des libéraux progressistes sur les origines de la question de l’estomac. D’accord sur ce point et sur les causes, ils diffèrent absolument de vues sur la solution des difficultés pendantes. Pour eux, la doctrine du laisser-aller et du laisser-faire a pour conséquence la plus claire de rendre l’ouvrier de plus en plus misérable en le laissant à la merci du capital qui tire de son travail un profit de plus en plus grand. Dans ces conditions, l’intervention de l’état est la condition indispensable de la libération des classes laborieuses, dont le sort ne peut être amélioré autrement d’une manière durable. Depuis longtemps, le chancelier de l’empire a émis l’idée de faciliter l’organisation de sociétés coopératives de production au moyen de subventions de l’état. M. Bebel en témoigne dans son discours à la séance du Reichstag, le 16 septembre 1878. Il dit : « En 1862, lors de l’agitation du Nationalverein pour la constitution de l’unité allemande, parmi les plus jeunes d’entre nous dans le mouvement ouvrier, on ne savait ce que l’on voulait au juste et nous n’avions pas la moindre idée d’une action socialiste. Alors, en septembre 1862, apparut un dimanche au sein de notre comité un M. Eichler, dont il avait été beaucoup question dans les réunions ouvrières de Berlin, et qui déclara venir au nom et sur l’invitation du gouvernement prussien, en particulier du prince de Bismarck. Celui-ci nous offrait des subventions sur les fonds de l’état pour l’amélioration de la condition des travailleurs, dans le cas où nous serions disposés à user de notre influence pour amener les ouvriers à combattre le parti progressiste aux élections. Cela, remarquez-le bien, se passait à une date où la plupart d’entre nous ne connaissaient pas le nom de Lassalle, moi, tout particulièrement, à une époque où Lassalle n’avait pas encore paru en public et où sa fameuse réponse au comité de Leipzig n’existait peut-être pas même en pensée. » Suivant la déclaration