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le droit nouveau, exorbitant, de bannir les socialistes condamnés, de les dépouiller même de la nationalité allemande ! c’est là précisément la difficulté. Ces aggravations rencontrent une vive opposition dans le Reichstag, et la discussion déjà ouverte, soutenue au nom du gouvernement par le ministre de l’intérieur, M. de Puttkamer, a même pris un tour assez acerbe. Bref, la bataille est engagée sur la loi contre les socialistes comme sur la loi militaire, et ce n’est probablement pas pour laisser ses lois sans défense que M. de Bismarck vient d’arriver à Berlin. Avec lui, on peut toujours s’attendre à de l’imprévu. Le chancelier se bornera-t-il à défendre les mesures qu’il propose pour armer l’empire contre ce qu’il appelle les dangers intérieurs et extérieurs ? Saisira-t-il, comme il l’a fait tant de fois, l’occasion qui va lui être offerte dans son parlement pour déchirer tous les voiles, pour dissiper les obscurités de la situation de l’Europe ? Il n’est point douteux qu’une parole de paix prononcée par M. de Bismarck aurait partout un retentissement salutaire et réduirait à leur plus simple expression tous ces incidens qui se succèdent, qui ne sont qu’une fatigue inutile dans les relations des peuples, qui n’ont de valeur que parce qu’ils se produisent dans une situation incertaine et obscure.

Évidemment, si ce n’était cet état de trouble universel, un différend comme celui qui s’est élevé récemment entre la France et l’Italie n’aurait aucun sens, aucune importance. Il n’a pu être un instant pris au sérieux que parce qu’on a été aussitôt conduit à se demander s’il ne se rattachait pas à un ensemble défaits plus généraux, à toute uns situation. Ce médiocre incident de Florence est maintenant fini. Il ne s’est pas terminé néanmoins sans quelque difficulté, sans avoir fourni au chef du cabinet de Rome, à M. Crispi, l’occasion de montrer, dans une certaine mesure, son esprit de contention et de trouble. M. Crispi a paru d’abord assez disposé à prendre cet incident mal venu de Florence pour ce qu’il était, pour une intempérance d’agent subalterne, et à donner pleine satisfaction à la France pour la violation de son consulat ; puis il s’est ravisé, il a élevé des contestations, comme s’il prenait plaisir ou mettait quelque calcul à prolonger une querelle d’Allemand ; puis, enfin, quand il a vu que tout pouvait se gâter, qu’il y avait quelque ridicule à laisser le plus vulgaire des incidens prendre de plus grandes proportions, il est revenu à ses premières dispositions, il s’est décidé à satisfaire la France, qui n’y a mis, certes, aucune mauvaise volonté. C’est fort heureux ! Mais il reste une autre affaire qui n’est pas moins sérieuse, quoiqu’elle soit d’une autre nature, c’est le traité de commerce qui se négocie en ce moment encore à Rome, et ici, il faut l’avouer, l’œuvre de conciliation ne semble pas facile. Les négociations sont tantôt presque abandonnées, tantôt reprises, et le résultat reste douteux. Arrivera-t-on à s’entendre ? Finira-t-on par se laisser entraîner à une guerre de tarifs qui ne pourrait être que