Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 85.djvu/717

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Russie. Tout au plus, peut-être, a-t-il mis dans son langage un peu de mauvaise humeur contre ceux qui se permettent d’avoir des doutes sur la solidité de la triple alliance, particulièrement sur la sincérité de l’Allemagne. En définitive, tout est à la paix pour le chef du ministère hongrois, qui a le secret de l’Autriche, comme pour l’empereur de Russie. Les armemens qui ont été faits dans ces derniers temps, qui sont maintenus de part et d’autre sur la frontière, sont une simple affaire de précaution, c’est convenu. Il reste à la vérité une question délicate dont on ne parle pas, sur laquelle on semble même éviter de s’expliquer, cette question bulgare, qui ne laisse pas de demeurer une difficulté et même le vrai péril tant qu’on ne s’est pas entendu sur l’exécution du traité de Berlin dans les Balkans.

Que les intentions pacifiques qui se sont manifestées depuis quelques jours soient sincères, on n’en peut guère douter : tous les gouvernemens, même ceux qui sont le plus formidablement armés pour la guerre, ne peuvent que désirer la paix. Ils ont tous leurs affaires, leurs embarras, leurs crises intimes, et, plus que toute autre puissance certainement, l’Autriche est intéressée à ne pas se compromettre dans de grandes aventures extérieures, qui ne feraient probablement qu’accroître les difficultés intérieures avec lesquelles elle ne cesse de se débattre. En définitive, toutes ces difficultés sont l’inévitable résultat de la constitution même de l’empire austro-hongrois ; elles tiennent à l’esprit d’indépendance des races diverses qui composent l’empire, à la résistance des nationalités qui revendiquent passionnément leur autonomie, qui veulent avoir les droits, les privilèges que les Hongrois ont seuls conquis jusqu’ici. En Bohême, la lutte est toujours des plus vives entre les Tchèques et les Allemands. Tout ce qui a été tenté pour concilier ces deux élémens ennemis a échoué, une transaction est à peu près impossible. Les Tchèques maintiennent leurs droits dans leur pays, et, s’ils n’ont pas satisfaction, ils menacent le gouvernement central de leur opposition dans le parlement de Vienne. Dans d’autres provinces, en Croatie, en Dalmatie, les passions nationales ne sont pas moins excitées. Des députés dalmates ont réclamé récemment l’introduction de l’enseignement de la langue russe dans les écoles, et dans toutes les contrées slaves, les journaux ont depuis longtemps déclaré que, si une guerre venait à éclater entre l’Autriche et la Russie, leurs préférences, leurs vœux seraient pour le tsar. Comme si ce n’était pas assez, le chef du parti catholique dans le Reichsrath, le prince de Lichtenstein, vient de soulever une question qui ne peut qu’ajouter aux divisions. Il demande que l’instruction primaire soit placée exclusivement sous l’influence et la direction de l’église catholique. Il ne se dissimule pas peut-être que sa motion a peu de chances de succès; il espère obtenir l’appui des Slaves en demandant, comme complément de sa proposition, que tout ce qui a trait à l’organisation des écoles, aux