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Ce qu’il y a d’ailleurs en ceci de plus amusant, c’est qu’en faisant, lui, de Victor Hugo, le plus grand lyrique de tous les siècles, et en le préférant conséquemment à Lamartine, M. Coppée n’admet pas que nous préférions, nous, ni personne, les Méditations aux Contemplations, et Lamartine à Victor Hugo. C’est une preuve, à ses jeux, de peu de largeur d’esprit. « Comme si Mozart, dit-il, gênait Beethoven, ou comme si Raphaël empiétait sur la gloire de Michel-Ange! » Que ne s’est-il donc fait à lui-même ce beau raisonnement! Et quand veut-il avoir raison ? Est-ce quand il nous défend de préférer Lamartine à Hugo, ou quand il préfère, et qu’il veut nous faire, avec lui, préférer Hugo à Lamartine? Mais comme si tous, tant que nous sommes, nous ne passions pas notre temps à exprimer nos préférences, ou comme si, quand nous écrivons, nous avions d’autre ambition que de les faire partager aux autres ! Seulement, au lieu de les proposer ou de les imposer comme leurs, ce que font les poètes et les romanciers, l’objet de la critique est de les faire accepter comme bonnes, c’est-à-dire comme conformes à quelque chose de plus général, de moins changeant, et de plus libéral que son propre goût. La critique ne consiste pas à formuler des jugemens, ainsi que M. Coppée le semble croire, mais à les motiver, ce qui est tout autre chose ; et quand elle préfère Lamartine à Hugo, elle a ses raisons peut-être, auxquelles on pourrait essayer de répondre, et non pas se contenter de dire qu’on les préfère tous deux, Hugo et Lamartine, Lamartine et Hugo, pour avouer aussitôt que Hugo est cependant plus grand que Lamartine. Mais, je consens uniquement qu’il soit plus extraordinaire.

On ne s’en douterait pas, à lire le Dictionnaire de M. Georges Duval. Sans être tout à fait complet, auquel cas un semblable Dictionnaire devrait contenir l’œuvre presque entière de Victor Hugo par ordre alphabétique, n’eût-il pas pu d’abord être moins incomplet? j’ai voulu relire, la plume en main, quelques-unes des pièces où M. Duval avait puisé, — Fonction du poète, Tristesse d’Olympio, Booz endormi, — Et il m’a semblé qu’il avait omis d’y relever quelques-unes des métaphores les plus caractéristiques de la vision d’Hugo. C’est ainsi que je n’ai trouvé celle-ci :


Loin de vous ces chats populaires
Qui seront tigres quelque jour;


ni à Chat ni à Tigre. C’est encore ainsi qu’aux mots de Couteau, d’Essaim, de Masque, j’ai vainement cherché la strophe célèbre:


Toutes nos passions s’éloignent avec l’âge,
L’une emportant son masque et l’autre son couteau.
Comme un essaim chantant d’histrions en voyage,
Dont le groupe décroit derrière le coteau.