Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 85.djvu/654

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur côté, de l’attirer dans leur parti. La plus vulgaire prudence ordonne alors à la mère de faire sortir sa fille d’un pareil enfer, si elle tient à conserver son affection et son estime.

Ces victimes des fautes des autres ne sont pas les seules qui trouvent un refuge dans les maisons d’éducation; celles-ci sont également un asile pour les jeunes filles qui ont perdu leurs mères et dont les pères se sont fait un autre intérieur ; pour celles dont les familles habitent la campagne ou occupent, dans les fonctions publiques, un rang qui les tient constamment en représentation. Enfin, il est des mères qui ne peuvent pas s’occuper de leurs enfans, parce qu’elles sont absorbées par des obligations professionnelles, par les besognes de leur ménage ou par le soin de leur santé. Il en est d’autres qui n’ont pas le courage de faire à l’éducation de leurs filles le sacrifice de leurs goûts et de leurs plaisirs. Il en est un plus grand nombre qui ne se sentent pas la capacité nécessaire pour s’acquitter d’une pareille mission. Ces dernières ont un double écueil à éviter : il ne faut pas qu’elles s’exagèrent la difficulté de la tâche qu’elles ont à remplir, et il serait plus fâcheux encore qu’elles la prissent à la légère.

Il n’est pas nécessaire, pour bien élever ses filles, de réaliser l’idéal rêvé par les moralistes et dépeint dans les traités d’éducation ; j’estime qu’une mère a fait son devoir, lorsqu’elle a formé sa fille à son image, et qu’elle l’a préparée à devenir comme elle une bonne mère de famille. Mieux vaut, pour cette enfant, l’éducation vertueuse et honnête qu’elle reçoit chez elle, que l’instruction brillante qu’on lui donnerait dans un pensionnat.

Il est certain, d’un autre côté, qu’une pareille œuvre ne s’accomplit pas toute seule. Elle est délicate et absorbante. Une mère, pour bien élever sa fille, doit s’y consacrer tout entière et commencer par s’observer elle-même. Certaines lacunes dans l’éducation, certains travers de caractère insignifians jusque-là, prennent à ce moment une importance capitale. Avec les enfans, il faut d’abord prêcher d’exemple, car ce sont des juges implacables. Rien ne leur échappe et ils font arme de tout. L’inégalité d’humeur, la versatilité, les mouvemens d’impatience, font sur eux la plus déplorable impression. S’ils s’aperçoivent qu’on a deux poids et deux mesures, qu’on les traite tantôt avec trop de sévérité, tantôt avec un excès d’indulgence, s’ils sont autorisés à croire qu’on passe sur eux sa mauvaise humeur, ils cèdent en apparence, mais ils se révoltent au fond ; ils ont découvert le point faible, et l’ascendant qu’on avait sur eux est perdu.

Le sentiment le plus développé chez ces petits êtres est l’esprit de justice. Ils acceptent les punitions, quelque sévères qu’elles