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ordre; si la mère ne peut pas se faire suppléer lorsqu’il s’agit de la direction morale à donner à son enfant, il n’en est plus de même lorsque c’est son instruction qui est en cause. Elle peut, sans se départir de son rôle, la confier aux soins d’une institutrice, ou lui faire suivre, comme externe, les classes d’un pensionnat. Elle peut même la conduire à des cours publics, comme ceux qui existent aujourd’hui dans la plupart des grandes villes de France.

L’externat a l’avantage de concilier la vie de famille avec l’instruction reçue en commun, et celle-ci ne peut qu’être favorable aux jeunes filles, qui ont besoin, comme les garçons, de fréquenter des enfans de leur âge. Ce mode d’éducation mixte est le meilleur à mes yeux ; malheureusement toutes les jeunes filles ne peuvent pas en profiter. Les pensionnats et les institutions sont, pour un trop grand nombre d’entre elles, l’unique moyen de recevoir une instruction en rapport avec leur position sociale. La clientèle de ces établissemens n’est pas à la veille de s’épuiser.

L’intensité toujours croissante de la vie mondaine, les nécessités qu’elle crée et que tout le monde subit, parfois à regret, portent à la vie de famille de rudes atteintes et transforment souvent l’intérieur le plus honnête en un milieu peu convenable pour l’éducation d’une jeune fille. Mieux vaut alors pour elle le calme d’un bon pensionnat que le mouvement frivole et séduisant d’une maison à la mode. Parmi celles qui sont heureuses de trouver un refuge dans ces maisons, il faut placer au premier rang les pauvres enfans qui n’ont plus de foyer, celles dont les mères ont déserté la bonne route. Ce sont les tristes épaves du naufrage conjugal, quel que soit recueil sur lequel la famille soit venue se briser, et que la loi ait ou non donné sa triste sanction à la séparation des parens. La société est aujourd’hui pleine de ces débris, et les gens âgés qui ont connu des temps meilleurs se demandent avec effroi ce que peuvent être ces mères au cœur léger, que le souci de l’avenir de leurs filles ne relient pas dans la ligne du devoir, et qui les sacrifient, dans un moment d’ennui, pour obéir à un caprice, car les choses en sont là maintenant.

A côté de ces unions brisées se placent les ménages désunis dont l’harmonie a été rompue par des divergences d’opinions ou de principes, par des goûts antipathiques, ou par des défauts de caractère. Dans un pareil milieu, il n’y a pas pour une jeune fille de bonne éducation possible. La froideur ou l’antipathie qu’elle voit régner dans le ménage, l’hostilité sourde ou les scènes violentes dont elle est témoin, sont pour elle le plus déplorable de tous les exemples, et c’est pis encore lorsque ses parens la prennent pour arbitre dans leurs querelles, et s’efforcent, chacun de