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le besoin de paraître et de se dépenserai! dehors; mais toutes les âmes élevées en comprennent l’importance et la grandeur. Elles sentent qu’en dehors des voies de la famille, il n’y a pas de bonheur véritable, et c’est à former des âmes de cette trempe-là que l’éducation doit s’appliquer. Pour être à la hauteur de fonctions aussi délicates et aussi variées, il ne suffit pas qu’une femme ait des lueurs de tout, il lui faut une culture intellectuelle suffisante, unie aux connaissances pratiques qu’exigent les soins du ménage et ceux que réclament les enfans ; mais il lui faut avant tout une santé vigoureuse, pour les mettre au monde et les nourrir. Il y a donc un intérêt de premier ordre à rechercher si la façon dont on élève aujourd’hui les jeunes filles remplit bien ces trois conditions, et s’il n’est pas indispensable d’y apporter des changemens. C’est ce que je vais essayer de faire.


I.

Il y a, pour les enfans des deux sexes, deux modes d’éducation complètement différens : l’éducation qu’ils reçoivent dans la famille, et celle qui leur est donnée dans les écoles et les pensionnats. Lorsqu’il s’agit des garçons, il peut y avoir des doutes sur les avantages réciproques de ces deux solutions du problème de l’éducation. Pour moi, comme Locke, comme Jean-Jacques Rousseau, comme Fonssagrives, je préfère l’éducation de la famille à l’internat; mais en ce qui concerne les jeunes filles, il me semble qu’il n’y a pas d’hésitation possible. Dans la vie des hommes, l’instruction joue un si grand rôle, qu’on peut lui faire bien des sacrifices; mais, pour les filles, il n’en est pas de même, et rien ne peut compenser les dangers de l’éducation en commun. Ils sont plus grands pour elles que pour les garçons; ce n’est pas seulement la santé qui peut y être compromise, le caractère qui peut y être faussé: il y a dans ces réunions de jeunes filles d’autres contagions à redouter que celle des maladies parasitaires. Elles y apprennent souvent des choses qu’elles auraient ignorées, si elles n’en avaient pas franchi le seuil ; elles y perdent quelquefois cette pureté de l’esprit et du cœur qu’il faut si peu de chose pour ternir sans retour.

L’éducation maternelle est donc la seule rationnelle, et toutes les mères qui se sentent le courage et la capacité nécessaires pour élever leurs filles sont inexcusables de ne pas remplir ce devoir. Il n’est pas indispensable pour cela de posséder une éducation de premier