quand le chant s’est épanoui, quand Samiel a passé derrière le chasseur et que le ciel s’est voilé, au premier soupir du hautbois, les nuages s’entr’ouvrent, un rayon de soleil tombe là-bas sur la maison d’Agathe, la petite maison aux volets verts.
De même, au second acte, quand la jeune fille demeure seule, qu’elle dise, sur les premières notes de son récit : Hélas ! sans le revoir faut-il fermer les yeux ? ou bien : Le Dieu brillant du jour vient de quitter la terre ; ou encore, selon le texte original :
Bevor ich ihn geschen !
Nie nahte nur der Schlummer,
peu importent ces nuances de l’idée littéraire : le sentiment musical demeure, le sentiment de la solitude et du crépuscule. Oh !
la mélancolique veillée, veillée de printemps, pleine de parfums et
de murmures ! Nulle poésie ne donne une impression pareille. Qu’on
se rappelle les vers de Musset :
Les tièdes voluptés des nuits mélancoliques
Sortaient autour de nous du calice des fleurs !
ou le : Per amica silentia luna, de Virgile. Qu’on prenne chez les
anciens ou chez les modernes les tableaux les plus détaillés ou les
plus sobres, aucun n’égale le court récit d’Agathe, ces quelques
notes retombantes comme des gouttes de rosée. Trois accords amènent la divine prière. Elle prie bien bas, la jeune fille, seule, toute
seule au cœur des grands bois, dans la maison forestière. Deux
fois elle s’interrompt pour écouter au dehors. Après le second couplet, une adorable modulation semble faire monter jusqu’à elle le
brouillard de la vallée. Les violens qui se traînent, les cors lointains lui apportent les frissons, les soupirs de la nature nocturne,
de la nature contemplée par une enfant de vingt ans, et par une
Allemande, par conséquent, de la nature un peu inquiétante, vaguement terrible. En vérité, toute cette musique n’est qu’une émanation de la nature. Ainsi, dans l’admirable trio de Max et des
deux cousines, des phrases de ténor ploient littéralement sous le
souffle du vent, et quand le chasseur, pour rassurer sa fiancée, lui
montre le ciel où la lune resplendit, on croit voir se répandre sur
la campagne des nappes de lumière.
La scène de la Gorge au loup n’a jamais été égalée. Au point de vue de l’abondance des idées et de leur beauté, au point de vue