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varier la quotité suivant les besoins du budget de l’année, les impôts sont permanens, parce qu’ils forment le fonds consolidé, qui est la garantie des créanciers de l’état, et le gouvernement les perçoit sans qu’un vote annuel soit nécessaire, jusqu’à ce qu’il en ait été autrement décidé par une loi spéciale. Le chancelier de l’échiquier n’a donc point à redouter qu’on mutile ou qu’on supprime à l’improviste quelqu’une des sources de revenu sur lesquelles il a compté lorsqu’il a établi ses prévisions budgétaires. Les propositions qu’il soumet à la chambre dans l’exposé qu’il a coutume de faire au début de l’année financière, c’est-à-dire aux environs du 1er avril, sont généralement votées, séance tenante, après l’échange de quelques observations avec les chefs de l’opposition, et soit qu’elles comportent une diminution ou une élévation de taxes, elles sont appliquées dès le lendemain. Est-ce à dire que la chambre des communes ait abdiqué le droit de modifier ou même de supprimer un impôt ? Pas le moins du monde ; seulement, elle s’est volontairement retiré la faculté de bouleverser inopinément le budget de l’exercice qui commence. Lorsqu’un impôt soulève des objections comme injuste, comme excessif ou comme préjudiciable à une industrie, le plus autorisé des adversaires de cet impôt, par une motion particulière, sans aucun lien avec la discussion du budget, propose à la chambre d’en recommander au gouvernement la diminution ou la suppression. Si la chambre, après avoir entendu les observations du gouvernement, adopte la motion à une forte majorité, le chancelier de l’échiquier tient compte de ce vote lorsqu’il établit le budget de l’exercice suivant. C’est ainsi que l’impôt du timbre sur les journaux et l’impôt du papier ont disparu, sans aucune perturbation dans le budget anglais.

Pas plus en Angleterre qu’en Italie, un service public, réglé par une loi, ne peut être modifié ou supprimé à l’occasion et par le moyen du budget. Le principe qu’une loi doit être obéie jusqu’à son abrogation est rigoureusement observé. Si le gouvernement se refusait à effectuer un paiement ayant sa cause dans une loi en vigueur, c’est en vain qu’il alléguerait que les fonds n’ont pas été votés par le parlement, l’intéressé prendrait jugement contre la couronne et ferait valablement saisir et vendre une portion quelconque du mobilier de l’état. Y aurait-il là une dérogation aux prérogatives de la chambre des communes? Non, ce serait l’affirmation de la protection que la loi assure à tout citoyen anglais qui a des droits à faire valoir. C’est par respect pour ce principe fondamental de la constitution britannique que les traitemens, fixés par des lois spéciales, sont considérés comme faisant, aussi bien que les rentes, partie de la dette nationale et ne sont même pas soumis au