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formidable coalition ! Le ministre fut vaincu : il s’agissait d’une dépense de 14 millions ; l’équilibre, péniblement établi, fut détruit du coup, et le budget fut voté en déficit. Des faits analogues se produisent en ce moment, sous l’influence de l’esprit sectaire qui domine une partie de la chambre. Le ministre de l’instruction publique avait pris l’initiative de réduire, pour 1888, le crédit relatif à l’établissement de nouveaux lycées et le crédit affecté aux bourses : pour ce dernier crédit, il constatait que, depuis deux ou trois ans, il avait été supérieur à la dépense effective. La commission du budget a refusé de sanctionner ces économies, et elle a rétabli pour ces deux crédits les chiffres inscrits aux derniers budgets. Elle s’est refusée à ralentir la multiplication d’établissemens inutiles et coûteux qui se font, par l’exagération de leur nombre, une concurrence désastreuse, et à diminuer une source de largesses que de prochaines élections peuvent rendre précieuse. Ces quelques exemples nous paraissent suffire : rapprochés de ce fait que, de 1880 à 1884, les dépenses du budget ordinaire se sont accrues de 240 millions, ils justifient complètement le reproche que M. Léon Say ne craignait pas d’adresser en face à la chambre elle-même, lorsqu’il disait, dans la séance du 20 juillet 1882 : « Les chambres, au lieu d’être un frein, sont devenues une excitation à la dépense. »

Si encore l’initiative parlementaire respectait l’intégrité des recettes du trésor ! Mais la fièvre des dégrèvemens n’est pas moins forte que la fièvre des accroissemens de dépense. En 1880, la chambre a abandonné d’un seul coup 71 millions de recettes sur l’impôt des boissons. Le vide fait dans les caisses de l’état n’a pas été comblé par le développement de la consommation. On est aujourd’hui unanime à reconnaître que ce dégrèvement n’a en rien profité au public : tout le bénéfice de la mesure a été pour les débitans de boissons, qui n’ont en rien modifié les prix de la vente au détail ; et le sacrifice si légèrement imposé au trésor est irrécouvrable, car les députés ne sauraient affronter le ressentiment de 400,000 débitans et des électeurs soumis à leur influence. Nous ne citons que la plus remarquable de ces largesses intéressées, car les recettes abandonnées en trois ou quatre années représentent ensemble 221 millions. Nous ne reviendrons pas sur ce qui a été dit souvent du préjudice causé au trésor par le relâchement apporté dans le recouvrement des impôts depuis que les influences parlementaires ont assuré aux fraudeurs une quasi-impunité.

Un mal plus grave et plus irréparable est le trouble apporté dans le fonctionnement des administrations publiques par l’ingérence parlementaire. Le député qui a été chargé du rapport sur un service public veut qu’il reste quelque trace de son passage par la