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peler les démêlés de M. Tirard, de M. Sadi Carnot et de M. Dauphin avec les commissions du budget ? Peut-on attendre d’un gouvernement, ainsi tenu perpétuellement en échec, l’esprit de suite, la marche méthodique et la persévérance qui ont relevé les finances italiennes, fait succéder les excédens de recettes au déficit chronique, permis d’abolir le cours forcé, et ramené près du pair des fonds longtemps dépréciés ? Croit-on qu’il eût été possible à sir Robert et à M. Gladstone de transformer le système financier de l’Angleterre, s’ils avaient été aux prises avec une commission du budget dont il leur aurait fallu accepter les volontés et subir les caprices ? Quelle situation peu enviable que celle d’un ministre des finances qui peut, à tout instant, être mandé devant la commission du budget pour apprendre, inopinément, qu’on rogne un crédit, qu’on ajoute une dépense, qu’on supprime une recette ou qu’on remanie un impôt ! Aussi la confusion et le désordre sont-ils devenus la règle dans les finances françaises. On n’y trouve nulle trace de ce contrôle général sur l’ensemble des dépenses publiques qu’exercent en Angleterre le premier lord de la trésorerie et le chancelier de l’échiquier, qu’exercent en Italie, en Espagne et dans tous les pays constitutionnels le président du conseil et le ministre des finances, et dont M. Thiers se montrait si jaloux. De même que, dans les monarchies absolues, les ministres ne veulent avoir affaire qu’au seul souverain, de même nos ministres ne se préoccupent que de se mettre d’accord avec les petits despotes de la commission du budget ; ils multiplient les concessions et les offres d’emplois, ils subissent toutes les exigences pour sauver les crédits qui leur tiennent le plus au cœur, et ils ne prennent aucun souci des embarras qu’ils peuvent créer à leur collègue des finances. Si celui-ci ne sait guère ce qu’il adviendra des recettes publiques entre les mains de la commission, il ne sait pas davantage quelles dépenses sont engagées et à quelles échéances il lui faudra pourvoir. Nous avons, sur ce point, le témoignage très précis et très catégorique de M. Léon Say, qui disait au sénat, le 20 décembre 1882 : « On engage les finances de l’état, et le ministre ne s’en doute même pas. » M. Léon Say faisait appel aux souvenirs de son successeur, M. Tirard, pour constater dans quelle ignorance de l’étendue de leurs engagemens les ministres dépensiers, ceux de la guerre et des travaux publics, laissaient leur collègue des finances. Il confessait que, lors de son dernier passage au pouvoir, il n’avait jamais pu arriver à connaître exactement quelles étaient les prévisions de dépenses du ministère des travaux publics. Le titulaire de ce département, M. Varroy, n’en savait pas davantage. Ce n’était qu’à la suite de recherches instituées dans ses bureaux qu’il pou-