avait choisi Romanianus pour son protecteur. Patricius était un de ses cliens, peut-être même un parent pauvre, en sorte qu’il avait plus de droits qu’un autre à sa générosité. Aussi en reçut-il tous les secours nécessaires pour bien faire élever son fils. Saint Augustin lui en garda toute sa vie une grande reconnaissance, et plus tard, quand Romanianus, à force d’aider tout le monde, se fut lui-même ruiné, il trouva des moyens délicats de la lui témoigner.
Les Confessions nous font connaître dans le détail l’éducation de saint Augustin. Elles nous disent qu’il commença par profiter assez mal de la peine qu’on prenait pour l’instruire. Tout occupé des plaisirs de son âge, il n’écoutait que d’une oreille fort distraite les leçons de ses premiers maîtres, qui alors, comme aujourd’hui, enseignaient à lire, écrire et compter. Le calcul lui sembla surtout fort désagréable, et il nous dit qu’il ne répétait qu’avec dégoût cet odieux refrain : « Un et un font deux, deux et deux font quatre. » On voulut ensuite lui apprendre le grec : c’est par là que commençait alors une éducation sérieuse, comme elle débute chez nous par le latin ; mais il n’y trouva pas plus d’agrément qu’au calcul ; aussi ne l’a-t-il jamais su que très imparfaitement. Ce fut, dans une éducation si solide et si étendue, une lacune fâcheuse et qu’il a dû plus d’une fois regretter. Combien son esprit n’aurait-il pas gagne à lire Platon dans la beauté du texte ? il n’a jamais pu l’entrevoir et le deviner que dans des traductions souvent médiocres. Cependant, à mesure qu’il avançait dans l’étude de la grammaire, il y prenait plus de goût. La poésie surtout le charma ; il prit le plaisir le plus vif à lire Virgile, et s’est accusé plus tard comme d’un crime des larmes que la mort de Didon lui fît verser. La rhétorique lui parut encore plus agréable, et il en pratiqua les exercices avec une telle supériorité qu’il passa dès lors auprès de ses maîtres et de ses condisciples pour un jeune homme de grande espérance.
Il fréquentait en ce moment les écoles de Carthage, et, comme il le dit lui-même, tout l’essaim des plaisirs bourdonnait autour de lui. Carthage était une ville de bruit et de joie, où la jeunesse venue pour s’instruire trouvait mille occasions de s’amuser. On y célébrait encore les fêtes païennes. Les processions de la Mère des dieux ou de la Vierge céleste, l’Astarté des Phéniciens, parcouraient les rues et les places, avec leur cortège de prêtres eunuques, de femmes perdues, de musiciens qui chantaient des chansons d’amour. On y était surtout passionné pour le théâtre, où l’on allait applaudir des pièces obscènes, qui mettaient sous les yeux des spectateurs les histoires légères de l’Olympe. Augustin ne résista