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une représentation municipale plus sérieuse, plus sincère, plus rationnelle à Paris. Évidemment, on n’aurait rien fait si on se bornait à réprimer quelques velléités par trop excentriques, à annuler quelques votes, dût-on aller jusqu’à une dissolution et à des élections nouvelles, qui, accomplies dans les mêmes conditions, auraient vraisemblablement les mêmes résultats. Le vrai problème est d’arriver à une organisation mieux conçue, mieux équilibrée, qui, en sauvegardant les droits, les intérêts municipaux de Paris, reste compatible avec la sécurité et le caractère d’une ville où se concentrent les grandes affaires, les grandes industries, tous les intérêts politiques, moraux, scientifiques et matériels de la France.

La politique la plus sûre est de savoir ce qu’on veut et d’aborder simplement, franchement, d’un esprit libre, ces problèmes qui ne deviennent quelquefois insolubles que parce qu’on les laisse traîner, parce qu’on les craint; c’est d’aller droit son chemin, non pas sans réflexion, mais sans préoccupations méticuleuses, sans se perdre à tout propos dans les faux-fuyans et les équivoques. On ferait assurément bien mieux les affaires de la France, et on peut dire aussi de la république, si on savait, quand il le faut, s’engager par une vive résolution, par un mot décisif. Lorsque dernièrement, dans la confusion des choses du jour, s’est élevée en quelque sorte d’elle-même une question délicate, celle de la position que les circonstances ont créée à M. le duc d’Aumale, il ne pouvait certes se rencontrer une plus favorable occasion d’inaugurer une présidence nouvelle par un acte de haute et libérale équité. Tout dépendait de la manière dont l’acte s’accomplirait, et tout était facile, naturel, dans un moment où l’institut venait de porter à M. le duc d’Aumale, à Bruxelles, le témoignage de sa reconnaissance pour le don royal de Chantilly, dont le gouvernement lui-même a autorisé l’acceptation. Évidemment, il n’y avait à demander au prince ni une démarche ni une parole. M. le duc d’Aumale éprouve, sans aucun doute, toutes les tristesses de l’exil; il les subit sans ostentation, sans bruit, avec une fière et silencieuse dignité, pour n’avoir pas voulu un jour supporter une offense faite à son cœur de soldat. Il a relevé l’offense comme sa fierté le lui conseillait; il a de plus complété sa réponse par l’éclat d’une incomparable libéralité, en se renfermant depuis dans la sévère réserve à laquelle il n’a jamais manqué. Le gouvernement n’avait rien à lui demander, il n’avait pas même à le consulter; il n’avait qu’une chose bien simple à faire; pour que tout restât honorable, c’était d’abroger spontanément le décret d’expulsion tout exceptionnel et discrétionnaire qui a frappé le prince. Tout se passait ainsi dignement, librement. C’était, à ce qu’il paraît, trop simple. Les casuistes républicains ont jugé qu’il fallait plus de cérémonie, et que rien ne pouvait se faire sans protocoles ; ils se sont hâtés de déclarer