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matérielle de Paris, se jouant de la légalité, des règlemens administratifs, des garanties les plus simples de l’ordre et de l’équité sociale. C’est la représentation étrange et tapageuse de l’illégalité érigée en système.

La loi commune à la France entière établit la gratuité des fonctions municipales, et c’est l’honneur de ces modestes fonctions: les conseillers parisiens n’ont pas moins trouvé le moyen de s’attribuer des indemnités et des supplémens d’indemnités, et des allocations déguisées sous toutes les formes, pour leur belle besogne. Des règlemens prévoyans d’administration ont depuis longtemps imposé des conditions protectrices pour les entreprises de travaux. publics : le conseil municipal de Paris, dans l’intérêt des entrepreneurs qu’il veut favoriser, s’est arrogé le droit de supprimer les cautionnemens, de modifier les règles d’adjudication. Il a mieux fait : il n’y a que quelques jours, il a créé d’un trait de plume une classe de nouveaux fonctionnaires, rétribués bien entendu, des délégués inspecteurs des travaux publics, qui devront être choisis exclusivement parmi les ouvriers. Ces délégués de l’autorité souveraine de l’Hôtel de Ville auront la mission d’aller s’assurer des « conditions dans lesquelles se font les travaux de la ville, surtout en ce qui concerne les garanties que les travailleurs sont en droit d’exiger. » Il en résulte que de prétendus inspecteurs choisis au hasard, n’ayant aucun titre, si ce n’est la faveur de l’Hôtel de Ville, seraient chargés de contrôler les travaux des ingénieurs, des hommes éprouvés qui ont conquis leur position par l’étude et par l’expérience. Qu’est-ce donc lorsqu’il s’agit d’intérêts et d’affaires d’un autre genre? Là le conseil municipal se donne libre carrière et ne connaît point d’obstacles. Dernièrement encore, n’ayant pas trop réussi avec ses bataillons scolaires, il s’est proposé ni plus ni moins de créer des bataillons d’adultes, de donner un supplément à notre organisation militaire; il pense à tout, il veut avoir son armée! Et, d’un autre côté, dans les affaires religieuses, il a trouvé une merveille d’intolérance sectaire qui dépasse tous les raffinemens de la laïcisation. Il ne se borne plus à supprimer les aumôniers dans les collèges de la ville; il n’admet pas même, et c’est la fin des objets de ses plus récentes délibérations, que les parens subviennent de leur argent à l’enseignement religieux qu’ils veulent faire donner à leurs enfans par un professeur libre! Ainsi, sous toutes les formes, cet étrange conseil cherche les moyens d’échapper à la loi et à son rôle ; il est perpétuellement occupé de tout ce qui ne le regarde pas. C’est un régulateur des consciences, un directeur des travaux publics, un organisateur militaire, un réformateur administratif et financier, — au besoin un auxiliaire d’insurrection; c’est tout ce qu’on voudra, excepté une assemblée locale. Que dirait-on si tous les conseils municipaux de France,