Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 85.djvu/438

Cette page a été validée par deux contributeurs.

FUITE DE CENTAURES.


Ils fuient, ivres de meurtre et de rébellion,
Vers le mont escarpé qui garde leur retraite ;
La peur les précipite, ils sentent la mort prête
Et flairent dans la nuit une odeur de lion.

Ils franchissent, foulant l’hydre et le stellion.
Ravins, torrens, halliers, sans que rien les arrête.
Et déjà, sur le ciel, se dresse au loin la crête
De l’Ossa, de l’Olympe ou du noir Pélion.

Parfois, l’un des fuyards de la farouche harde
Se cabre brusquement, se retourne, regarde
Et rejoint d’un seul bond le fraternel bétail ;

Car il a vu la lune éblouissante et pleine
Allonger derrière eux, suprême épouvantail,
La gigantesque horreur de l’ombre Herculéenne.


José-Maria de Heredia.