Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 85.djvu/436

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
STYMPHALE.


Et partout devant lui, par milliers, les oiseaux,
De la berge fangeuse où le Héros dévale.
S’envolèrent, ainsi qu’une brusque rafale,
Sur le sinistre lac dont clapotaient les eaux.

D’autres, d’un vol plus bas croisant leurs noirs réseaux,
Frôlaient le front baisé par les lèvres d’Omphale,
Quand ajustant au nerf la flèche triomphale,
L’Archer superbe fit un pas dans les roseaux.

Et dès lors, du nuage effarouché qu’il crible,
Avec des cris stridens, plut une pluie horrible
Que l’éclair meurtrier rayait de traits de feu.

Enfin, le Soleil vit à travers ces nuées
Où son arc avait fait d’éclatantes trouées,
Hercule tout sanglant sourire au grand ciel bleu.


NESSUS.


Du temps que je vivais à mes frères pareil
Et comme eux ignorant d’un sort meilleur ou pire,
Les monts Thessaliens étaient mon vague empire
Et leurs torrens glacés lavaient mon poil vermeil.

Tel j’ai grandi, beau, libre, heureux, sous le soleil;
Seule, éparse dans l’air que ma narine aspire,
La chaleureuse odeur des cavales d’Epire
Inquiétait parfois ma course ou mon sommeil.

Mais depuis que j’ai vu l’Épouse triomphale
Sourire entre les bras de l’Archer de Stymphale,
Le désir me harcèle et hérisse mes crins ;

Car un Dieu, maudit soit le nom dont il se nomme!
A mêlé dans le sang enfiévré de mes reins
Au rut de l’étalon l’amour qui dompte l’homme.