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dans cette direction, il s’en tint à l’objectif que lui avait proposé le gouverneur, c’est-à-dire à la poursuite des Hachem-Cheraga et des autres populations émigrées qui avaient attaché leur sort à celui de la smala ; au dire des prisonniers, cette masse errante ne pouvait être évaluée à moins de 30,000 âmes.

Rejoint, le 23 septembre, par les Ouled-Khélif et les Harar, La Moricière traversa dans sa largeur le plateau du Sersou, et pointant au sud par de longues marches sans eau, il atteignit le 30, à 60 lieues de Mascara, cette position de Taguine qui, du rocher de Goudjila, lui avait été signalée naguère. L’émigration y avait fait séjour; mais, bien avant l’approche de la colonne française, elle s’était éloignée vers l’orient, en laissant sa trace sur les efflorescences salines du Zahrez. Elle était encore une fois hors d’atteinte.

Après avoir rempli ses outres au ruisseau de Taguine, la colonne reprit le chemin du Tell, poursuivie pendant deux jours par un ennemi plus terrible que les Arabes, le simoun. Le 8 octobre, par un temps de brouillard, elle établissait le bivouac dans la haute vallée de l’Oued-Riou, près des ruines de Loha, quand un Harar à moitié nu arriva au galop, appelant à grands cris du secours : Abd-el-Kader enlevait les chameaux de la tribu. Aussitôt chasseurs d’Afrique, spahis, Douair, s’élancent dans la direction donnée par le guide; trois bataillons sans sacs les suivent au pas de course; tout à coup la brume disparaît, le soleil brille; atteints subitement et culbutés par le choc, les cavaliers de l’émir sont poursuivis trois lieues durant, semant de morts et de blessés la piste de leur déroule. Abd-el-Kader n’échappa qu’à grand’peine ; son cheval s’était abattu dans les roches. Deux de ses conseillers les plus intimes furent tués; l’agha Ben-Rebah, le compagnon d’Aouimeur, demeura prisonnier; trois guidons des khiélas, 230 chevaux harnachés furent le prix de la victoire.

Pendant trois jours, on vida les silos des environs ; ils étaient si nombreux et si remplis qu’ils fournirent la charge de 8,000 chameaux ; jamais le maghzen ni les goums ne s’étaient trouvés à pareille fête. La Moricière poussa la courtoisie jusqu’à faire escorter vers les Hauts-Plateaux les auxiliaires pliant sous le poids du butin; quand l’immense caravane des Harar et des Ouled-Khélif reprit le chemin de ses steppes, le défilé dura six heures.

Le 20 octobre, après quarante jours d’une campagne qui n’avait jamais encore été poussée si loin dans le sud, la colonne fit sa rentrée à Mascara. Elle en ressortit le 27 : l’implacable, le terrible Abd-el-Kader menaçait les Sdama et la Yacoubia. La Moricière n’eut pas à imposer à ses troupes harassées un surcroît de fatigue. Sa seule présence dans une bonne position, sur la haute Mina, à