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avancement rapide le retard de sa première fortune. Chef de bataillon aux zouaves en 1841, Saint-Arnaud était, au mois de juillet 1842, lieutenant-colonel au 53e de ligne et commandant de Miliana, où il venait de remplacer le chef de bataillon Bisson, sous les ordres du général Changarnier, commandant supérieur du Titteri. De Miliana, il s’était mis sur le pied de correspondre directement avec le général Bugeaud ; cette correspondance ne fut pas le moindre des nombreux griefs allégués par son chef immédiat et contre lui et contre le gouverneur qui permettait et encourageait cette dérogation aux lois de la subordination militaire.

Quoi qu’il en soit, voici ce que le lieutenant-colonel de Saint-Arnaud écrivait, le 22 juillet, au sujet de la mort du duc d’Orléans : « En annonçant ici la perte irréparable que l’armée avait à déplorer, j’ai vu des larmes dans tous les yeux. Une régence, c’est pour la France la guerre civile et peut-être plus... Tous les partis vont relever la tête. C’est aux honnêtes gens, aux cœurs fermes et dévoués, à se réunir et à former un bouclier invincible pour garantir nos institutions et soutenir le roi que nous avons élu. Ces sentimens, monsieur le gouverneur-général, sont ceux de tous les officiers, de tous les employés qui composent la garnison de Miliana. »

Sur la place du Gouvernement, au milieu d’Alger, la statue équestre du duc d’Orléans a consacré l’image et perpétué la mémoire du prince ami de l’Algérie.


V.

Dans les rapports officiels sur la guerre d’Afrique, on rencontre fréquemment ces expressions : Campagne du printemps, campagne d’automne. Faite pour la symétrie, cette distinction méthodique est illusoire. Il est bien vrai que, pendant les mois de grande chaleur, juillet, août, septembre, les opérations, dans la province d’Alger et dans le Titteri, étaient suspendues ou du moins ralenties autant que possible ; mais outre que ce possible, même dans ces régions moins agitées par la guerre, ne l’était pas toujours, dans la province d’Oran il ne trouvait jamais sa place. La raison en est que de ce côté-là, n’en déplaise à la grande mémoire du général Bugeaud, de Bedeau et de La Moricière, la direction de la guerre leur échappait. C’était Abd-el-Kader qui la menait à sa guise, sans égard aux saisons; et lorsque ses adversaires avaient le plus besoin de repos, c’était ce temps-là qu’il choisissait justement pour les empêcher de faire la sieste.

Au mois d’avril, dans la riante fraîcheur du printemps, La Moricière avait été surpris par une alerte, non pas du fait d’Abd-el-Kader