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pour se rencontrer à l’embouchure de l’Oued-Rouina, dans le Chélif.

Trois jours avant son départ, Changarnier eut la surprise et la joie de recevoir à son quartier-général 83 prisonniers que lui renvoyait Abd-el-Kader, et parmi lesquels était le lieutenant d’état-major de Mirandol, pris sous Mascara au mois de novembre précédent. La colonne formée à Blida se composait des 3e et 6e bataillons de chasseurs à pied, de cinq bataillons détachés des 24e, 33e, 48e, 53e et 64e de ligne, de quatre escadrons de chasseurs d’Afrique et d’une batterie de montagne.

Celle de Mostaganem comprenait le 5e bataillon de chasseurs, le 1er de ligne, les 3e, 13e et 15e d’infanterie légère, un bataillon de la légion étrangère, le 2e régiment de chasseurs d’Afrique, les spahis d’Oran, une batterie de montagne. La plus grande partie de ces troupes étaient venues avec le général d’Arbouville de Mascara, où La Moricière avait ramené d’Oran, le 10 mai, sa division vêtue, chaussée, équipée à neuf.

Le 17 mai, toutes les troupes de la division que devait commander le gouverneur étaient concentrées à Sidi-bel-Hacel, sur la basse Mina. C’était là qu’il avait convoqué pour le suivre les cavaliers des tribus soumises; il en vint des seules vallées de l’Habra, de la Mina et de l’Oued-HilIil près de 2,500, qui marchèrent avec la colonne sous les ordres d’El-Mzari.

Avant de s’engager dans la vallée du Chélif, le général Bugeaud voulut donner une leçon aux tribus hostiles de la rive droite. Le 19 mai, il pénétra sur le territoire des Beni-Zerouel ; mais ceux-ci se retirèrent dans ces cavernes profondes qui s’enfoncent plus ou moins profondément, comme des tunnels inachevés, sous les montagnes du Dahra ; on dut renoncer à les y poursuivre. De là, passant alternativement d’une rive à l’autre, le gouverneur continua de remonter la vallée du fleuve. Le 25, il fit reconnaître solennellement Sidi-el-Aribi khalifa du Chélif. Après avoir châtié la remuante tribu des Sbéa, dignes émules, en fait d’hostilité, des Beni-Zerouel, la colonne prit son bivouac, le 20, à l’embouchure de l’Oued-Fodda. Des feux brillaient à l’est; c’étaient les feux de la division d’Alger. Comme celle d’Oran, elle avait cheminé sans grands obstacles, en faisant quelques razzias de droite et de gauche.

Le 30, de bon matin, au bruit du canon, les deux colonnes marchèrent à la rencontre l’une de l’autre. Aussitôt les faisceaux formés, les chevaux au piquet, les Algériens coururent embrasser les Oranais. Ce fut entre ceux-ci et ceux-là un échange de festins; on eût dit les noces de Gamache, si le vin avait été moins rare. La fête dura deux jours.

Ce voyage à peu près pacifique était célébré, comme le passage