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trois mois, il reste avec quatre enfans de treize, onze, huit et sept ans. Cet homme est dans la misère. Les enfans sont en guenilles ; un secours en vêtemens serait ici bien utile. » — « Elle travaille avec un dévoûment bien rare, soit comme femme de ménage, soit comme laveuse, pour donner du pain à sa vieille maîtresse. C’est un cas digne du prix Montyon. » En revanche, il en est d’autres qui débutent ainsi : « Nous sommes navré toutes les fois que nous avons à fournir des informations sur…, car nous constatons combien est grand le nombre des personnes qu’il a dupées ;.. » et qui se terminent par ces mots : « Trois enfans sont venus dans ce ménage, mais les ressources, le courage et la dignité en sont partis. La femme s’est faite quémandeuse, l’homme s’est adonné à l’absinthe et les enfans ont été déplorablement élevés. » Si, lorsqu’elle est renseignée de la sorte, la bienfaisance se trompe, c’est qu’elle le veut bien.

Trois visiteurs et quatre scribes forment le personnel du service ; les uns font l’enquête, les autres rédigent les rapports : le travail serait trop lourd, si la plupart des prétendus indigens, sur lesquels on demande quelques notes d’éclaircissement, n’étaient déjà connus. Des fiches et des numéros d’ordre, concordant aux noms des mendians et des bienfaiteurs, permettent de faire rapidement les recherches dans les dossiers méthodiquement classés. À moins d’erreur involontaire, comme il s’en produit en toute chose humaine, le renseignement fourni est toujours exact. Ce système d’informations, qui a déjà rendu tant de bons offices à la pauvreté sincère, n’est point du goût des malandrins, qui estiment avec raison que la vérité nuit à leur industrie. Ils ont donc peu de sympathie pour l’Assistance par le travail, et ils l’ont prouvé. La boutique de la rue Roy devint promptement trop étroite, et dès 1872 on en loua une autre, plus ample, au prix quotidien de 3 francs, rue Delaborde. L’Œuvre se développait peu à peu, sagement, sans vouloir sortir du cercle déterminé qu’elle s’était tracée ; elle continuait de faire confectionner des vêtemens par les femmes heureuses de recevoir un salaire, et ne se lassait pas de repousser les escrocs qui quêtent pour leurs vices et non pour leurs besoins. On était parvenu à l’année 1878, faisant le bien avec persévérance et simplicité, comptant sur l’avenir et sur la bonté de la cause pour élargir le domaine de l’action, lorsque l’on eut à subir un assaut qui faillit tout perdre et anéantir l’Œuvre à jamais. Mécontens d’être démasqués et de voir, par conséquent. tarir une partie de leurs ressources, mécontens surtout d’être réduits à la cruelle obligation de travailler, quelques recrues de la gueuserie et de l’imposture se concertèrent ; comme une bande de voleurs qui détroussent une