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il s’agit de rétablir l’autorité de la loi violée partout ! Ce n’est pas facile, nous en convenons, de se refaire une politique, de reconstituer un gouvernement résolu à tenter l’œuvre de réorganisation et de réparation. La présidence nouvelle hérite des misères qu’elle n’a point créées, des conditions de vie publique qui lui ont été léguées, où elle peut avoir ses embarras du premier moment. Ce n’est pas facile de se tirer de là, disons-nous ; c’est cependant la plus pressante et la plus impérieuse des nécessités. Continuer le système qui a été suivi jusqu’ici, jouer par complicité ou par faiblesse le jeu du radicalisme sous l’apparence d’une prétendue concentration républicaine, qui n’est qu’un mot, c’est aggraver le mal, sans être même assuré de vivre longtemps. Il n’y a donc, si on ne veut pas capituler, qu’à prendre délibérément son parti, à accepter sans défi comme sans défaillance une lutte inévitable. On aurait beau d’ailleurs se faire illusion, essayer de se dérober par des feintes et toutes les habiletés évasives, on n’en serait pas plus avancé : on se retrouverait sans cesse, de plus en plus désarmé, en face d’une solution compromise par dix années de fausse politique, devant les difficultés qu’on a laissées grandir et qui se manifestent sous toutes les formes.

Une des plus sérieuses de ces difficultés, sur laquelle il serait puéril de fermer les yeux, est certainement dans la position extraordinaire, arrogante, qu’on a laissé prendre au conseil municipal de Paris. On l’a vu il y a quelques semaines, le jour où, en face du congrès réuni à Versailles pour l’élection présidentielle, l’Hôtel de Ville s’est tout simplement organisé en quartier-général de guerre civile, prêt à entrer en lutte contre le vote éventuel d’une assemblée nationale. Tout était prêt, organisé, les rôles étaient distribués, le gouvernement de la sédition était peut-être déjà désigné : les meneurs ont tout avoué pour qu’on ne pût l’ignorer ! Ce qui serait arrivé importe peu, l’intention y était, il y a eu même quelque commencement d’exécution. Le gouvernement nouveau se serait, dit-on, préoccupé un moment de cette fantaisie d’insurrection municipale ; il aurait voulu, en dépit des protestations du conseil, prendre ses sûretés en établissant M. le préfet de la Seine, qui est en même temps maire de Paris, à l’Hôtel de Ville. C’était assurément son droit, et, s’il s’est an été, c’est une concession de plus dont on ne lui saura aucun gré. Après cela, nous en convenons si l’on veut, c’était le petit côté de cette affaire. Que M. le préfet de la Seine habite ou n’habite pas de sa personne l’Hôtel de Ville, ce n’est, après tout, qu’un détail plus ou moins significatif; mais il y a une chose bien autrement grave, c’est le rôle exorbitant, tout révolutionnaire, que le conseil municipal de Paris se donne tous les jours dans les affaires publiques.

Le fait est que cette étrange représentation parisienne se moque ouvertement de tout, des lois, du gouvernement, des chambres, sans