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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 décembre.

Les années passent vite et tombent l’une après l’autre dans l’immuable abîme des choses évanouies. Elles s’en vont, elles se précipitent, et lorsqu’à leur dernière heure comme aujourd’hui, avant leur disparition définitive, on s’arrête un instant pour chercher ce qu’elles ont fait, ce qu’elles ont produit, on est obligé de reconnaître périodiquement qu’elles n’ont rien changé dans nos destinées, que tout, après elles, reste incertain et obscur.

Parmi toutes ces années qui se sont succédé depuis longtemps, combien en est-il qui aient été heureuses et bienfaisantes, qui aient mérité l’honneur d’échapper à l’oubli ou aux dédains de l’histoire ? La plupart ont passé sans éclat et sans profit. Elles ont été quelquefois saluées à leur première heure avec confiance, avec ce besoin d’espérance qui reste toujours aux hommes de bonne volonté ; elles ont fini par disparaître sans laisser un regret. Elles ont eu beau se presser dans leur cours rapide : elles n’ont donné ni la paix assurée au monde, ni une tranquillité garantie et féconde à notre pays. Elles ont vu en Europe les complications se multiplier, les incidens se succéder comme des nuages noirs, la crainte perpétuelle des luttes gigantesques et sans merci envahir les esprits ; elles ont vu en France tous les ressorts de l’état ébranlés, la fortune publique compromise, les idées de droit obscurcies, les institutions battues en brèche, les pouvoirs confondus, les gouvernemens réduits à une incurable instabilité. Elles ont vu, en un mot, plus de mal que de bien, et ce qu’il y aurait de mieux serait de souhaiter à chaque année nouvelle de ne pas