connu. Si quelque cœur bat encore pour le misérable, c’est à ce cœur qu’il s’adressera. C’est par lui que passeront les reproches d’un père, les tendresses d’une mère, les pardons d’une femme, et après qu’il aura, par ces voies naturelles, trouvé l’accès de ce cœur fermé, il pourra peut-être y faire pénétrer quelques rayons de la lumière surnaturelle. C’est ainsi que la cellule, au lieu d’être seulement le châtiment du corps, peut devenir le remède de l’âme : remedium animœ, disaient nos pères, dans ces temps barbares où l’on croyait encore à l’âme. Mais comme on n’y croit plus guère, on veut supprimer les aumôniers des prisons, et se passer, là comme ailleurs, de l’influence religieuse. L’emprisonnement doit être laïque comme l’école, comme l’hôpital, et il y avait sans doute urgence à fermer l’accès du chemin mystérieux par lequel un certain nombre d’égarés pouvaient revenir au bien.
En résumé, et à l’exception du quartier cellulaire de la Santé, qui est matériellement bien aménagé, et peut-être aussi de Mazas, les prisons de la Seine sont loin, comme on le voit, de présenter aucune supériorité sur celles des autres départemens. Quelle est maintenant la conclusion générale de cette enquête sur l’état de nos prisons départementales? Sauf dans les quatorze maisons aménagées en vue de l’application du régime cellulaire, on a le droit de dire que le régime de ces prisons pèche, au point de vue répressif, par trois vices primordiaux : il est incohérent, insuffisant et immoral. Il est incohérent, puisque c’est une question de clocher qui décide souverainement des conditions dans lesquelles chaque condamné subira sa peine : ici en cellule, là en commun, ici astreint au travail, là livré à l’oisiveté. Il est insuffisant, puisque, pour un très grand nombre de détenus, la privation pure et simple de la liberté, avec logement, nourriture et chauffage assurés sans l’obligation du travail (ce qui est le cas dans un grand nombre de prisons), ne constitue pas une peine sérieuse. Enfin il est immoral, parce que la vie en commun, sans surveillance, sous une discipline relâchée, ne peut avoir pour résultat que de corrompre les détenus et de permettre aux plus pervertis d’endoctriner les autres dans le mal. Pour tout dire, le régime de nos prisons départementales est absolument et radicalement vicieux. On verra, par la suite, ce qu’il faut penser de celui des maisons centrales et des établissemens affectés à la transportation.
HAUSSONVILLE.