Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 85.djvu/142

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même de réparation des anciennes prisons qui ne soit pas conçu en vue de l’application du nouveau régime. Mais comme, d’un autre côté, les départemens se refusent à tenir compte, dans leurs plans, des exigences de l’administration pénitentiaire, et comme celle-ci n’a pas le moyen de leur forcer la main, il en résulte que les anciennes prisons, à quelque état de vétusté ou de dégradation qu’elles soient arrivées, ne subissent aucune réparation. Un projet de loi avait bien été présenté, il y a quelques années, qui donnait au gouvernement le droit de déclasser certaines prisons et d’imposer aux départemens limitrophes l’obligation de s’entendre pour mettre à la disposition du gouvernement un certain nombre de cellules dans des prisons construites à frais communs. Mais ce projet de loi, comme tant d’autres, est resté dans les cartons parlementaires, et, en attendant, la situation s’aggrave d’année en année : les prisons nouvelles ne se construisent pas et les vieilles prisons ne sont plus réparées.

Quel est l’état de ces vieilles prisons installées pour la plupart dans des bâtimens qui avaient été construits en vue d’une destination toute différente, et qui ont été appropriés tellement quellement au commencement du siècle ? C’est d’un document officiel que j’extrais la description suivante. « Dans telle ville, la prison est un bâtiment étroit, resserré entre un terrain exigu, par exemple une vieille tour partagée en étages, où l’on ne peut que séparer les hommes des femmes, et pas toujours les prévenus des condamnés. Il est des prisons dont la garde peut avec peine être assurée, où les évasions n’ont semblé parfois évitées que grâce à l’incessante intervention des gardiens, peut-être à l’insouciance ou à la docilité des détenus. Il en est où les communications avec le dehors ne sont pas impossibles, où les constructions délabrées tombent en ruine. Il en est où le gardien-chef peut être forcé d’entasser à tel moment les détenus, faute de place, fâcheux état pour l’hygiène et pour la moralité. » Qui tient ce langage ? C’est le ministre de l’intérieur lui-même, responsable de l’état de ces prisons, ou, pour parler plus exactement, c’est le directeur de l’administration pénitentiaire qui, depuis cinq ans (grand espace de la vie d’un fonctionnaire), lutte avec dévoûment et savoir-faire contre les difficultés d’une situation inextricable. En présence de cet état de choses, on comprend qu’il soit assez difficile de définir le régime auquel sont soumis les détenus, et que ce régime doive se ressentir de la diversité des lieux où la détention est subie, qu’il s’agisse des prévenus ou des condamnés. Parlons d’abord des prévenus.

Ce que, dans les prisons départementales, on appelle un peu pompeusement le quartier des prévenus, consiste le plus souvent en une seule chambre qui leur est spécialement affectée. Ils ne sont