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DE SALONIQUE A BELGRADE

I.
SALONIQUE.

Les événemens les plus importans ne sont pas toujours ceux qui font le plus de bruit. Tandis que l’attention de l’Europe entière est absorbée par la tragi-comédie bulgare, une révolution d’un tout autre genre s’accomplit sans éclat sur un autre point de la péninsule, et la postérité attachera peut-être plus de prix à cette œuvre modeste qu’à la naissance d’un nouvel état danubien. Il s’agit de la jonction des chemins de fer ottomans avec ceux de l’Europe centrale, prolongés jusqu’en Serbie. Parmi tant d’avortemens, le traité de Berlin aura au moins enfanté quelque chose d’utile. Comme son aîné, le fameux traité de Paris, dont il ne reste que des lambeaux, cet instrument diplomatique ne survivra probablement dans la mémoire des peuples que grâce à quelques dispositions secondaires et bienfaisantes qui n’y tenaient pas k première place. De ce nombre est celle qui imposait à quatre états limitrophes, Autriche, Turquie, Bulgarie et Serbie, l’obligation de raccorder leurs voies ferrées. Les Bulgares sont fort en retard : ils ont d’autres affaires sur les bras. Mais les Serbes sont prêts. Comme les raccordemens de Turquie étaient entre des mains françaises, il est arrivé que les Turcs ont aussi terminé leur tâche du côté de Salonique. Ils en sont eux- mêmes surpris ; ils se tâtent encore pour savoir s’ils ne rêvent pas, si réellement ils ont consenti, eux les fils d’Othman, à entre-bailler