précédens, que n’ont connue ni Richelieu, ni Mazarin, ni Frédéric II, pût réaliser la première partie de son programme, celle qu’il a, non sans fierté, livrée à la publicité, comme un témoignage de son audace et de son habileté.
La conclusion de la paix fut saluée avec joie à Berlin. Le roi fit chanter immédiatement, à huit heures du soir, un Te Deum à Charlottenbourg, devant toute la cour. Il rappela, avec le plaisir que lui causaient les rapprochemens historiques, que le 30 mars était l’anniversaire du Te Deum que Frédéric le Grand fit chanter au sortir de la guerre de Sept ans. Il détestait la guerre : « Je suis fou de paix, » disait-il à notre ministre.
Dans un grand dîner donné par le baron de Budberg, le général de Gerlach s’approcha du marquis de Moustier, le sourire sur les lèvres et la main tendue. Déconcerté par une exquise mais glaciale politesse, il se rabattit sur le ministre d’Angleterre. « Vous allez occuper ici, lui dit-il, une haute situation ; vous devenez, par le mariage du prince royal, un ambassadeur de famille. Je m’en félicite, car j’ai toujours aimé l’Angleterre. — Vous aimez l’Angleterre de 1813, lui répondit lord Bloomfield, et c’est l’Angleterre alliée à la France qu’il faut aimer aujourd’hui. »
La Russie avait déconcerté en Allemagne ses adhérons les plus zélés par l’aveu de son impuissance à continuer la lutte et par son empressement à se rapprocher de la France. Notre politique primait toutes les influences rivales ; nous avions de notre côté la force et la modération.
La transformation à Berlin était complète. « Je ne veux pas exagérer la portée de ce changement, écrivait M. de Moustier, ni attacher trop d’importance au langage que j’entends ; mais quand on a pu étudier, d’aussi près que moi, les préjugés contre la France et son gouvernement qui dominaient la cour, on ne peut s’empêcher d’être frappé du revirement dont les premiers symptômes se manifestent sous la pression des événemens et de notre prestige. »
Le roi eut à cœur de remercier l’empereur, et son représentant, M. de Moustier, méritait ce témoignage de haute faveur. En serviteur fidèle et vigilant, épris de la vérité, il avait signalé au jour le jour, dans ses correspondances, les fluctuations de la politique prussienne, mais toujours il avait amorti et coloré ce qu’elle avait d’irritant et d’équivoque ; jamais dans ses relations avec la cour et le premier ministre, souvent difficiles, il ne s’était départi d’une sympathique courtoisie.
Le roi fut gai et enjoué. « j’ai hâte, dit-il, de vous remercier personnellement, et de vous parler de la manière charmante dont l’empereur m’a adressé l’invitation. Il est impossible d’y mettre une