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ne se retrouvent plus[1]. La brusque défaillance du prince de Schwarzenberg décida du sort des deux empires ; elle sauva la Prusse, mais elle perdit l’Autriche. La direction des deux politiques ne tarda pas à changer de main : le prince de Schwartzenberg mourut en 1852, subitement, dans la force de l’âge, au moment où M. de Bismarck, converti à la politique de la revanche, allait bruyamment entrer en scène. L’armée, qui était certaine de vaincre en 1850, subit la défaite en 1866. A quoi tiennent les destinées des empires !

Un passant sous les fourches d’Olmütz, le cabinet de Berlin échappait à un désastre, mais il sacrifiait à la paix la fierté nationale. Il dut renier tout ce qui s’était fait sous son inspiration en Allemagne depuis 1848 : le parlement de Francfort, la proclamation de l’empire, l’union restreinte d’Erfurt. La Prusse s’engagea à rétablir sur son trône l’électeur de Hesse, le plus impopulaire des souverains, que ses partisans avaient renversé, à étouffer l’agitation révolutionnaire qu’elle entretenait dans le Holstein. Elle se prêta au rétablissement de la vieille Diète germanique, emportée par l’élan national de 1848 ; elle concéda des avantages économiques importans à l’Autriche et lui garantit ses possessions allemandes et non allemandes. Après avoir fait amende honorable en face de l’Europe, brûlé ce qu’elle avait adoré, refait ce qu’elle avait défait, elle envoya à Francfort M. de Rochow, un réactionnaire de la plus belle eau, et reprit piteusement, en pécheur contrit et pénitent, le collier qui lui pesait lourdement depuis 1815 et dont elle se croyait à jamais délivrée. C’était la politique du Sicambre.

L’indignation fut grande : jamais atteinte plus humiliante n’avait été portée aux aspirations d’un peuple. Tous les partis réprouvèrent la convention imposée à M. de Manteuffel, sauf le parti féodal, qui ne voyait de salut que dans le triomphe des principes réactionnaires et dans le maintien de la sainte-alliance. Les hommes éminens de l’école libérale réagirent contre le traité dès le lendemain de sa signature, par leurs paroles et leur plumes ulcérées. S’ils n’ont pas en la fortune de présider au relèvement de leur pays, ils l’ont du moins préparée par les manifestations de leur patriotisme indigné et par leurs incessantes revendications.

Voici ce qu’écrivait, en 1851, l’un d’eux, le comte de Poortalès, qui représentait le roi à Constantinople, sous le coup de la

  1. L’Autriche avait à ce moment trois magnifiques corps d’armée mobilisés en Bohême ; quatre-vingt mille Bavarois étaient sur pied de guerre, vingt mille Saxons occupaient l’Elbe jusqu’à Troppau. Les contingens hessois, badois et wurtembergeois étaient en marche, et déjà un combat d’avant-poste s’était engagé à Bronzel, sur les frontières de la Hesse électorale, lorsque arriva le contre-ordre.