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commune action diplomatique, le rôle de troisième puissance. Leurs ministres pratiquaient la politique de bascule, en se portant tantôt vers la Prusse, tantôt vers l’Autriche, dont la rivalité était toujours vivante, soit qu’elle se dissimulât, soit qu’elle éclatât. Il entrait dans leur tactique de ne s’expliquer qu’au sein de l’assemblée fédérale, collectivement avec les deux grandes puissances, et de déterminer la majorité par leurs voix coalisées. Leur ambition était peu mesurée ; ils ne craignaient pas de revendiquer pour la Confédération germanique le droit d’intervenir dans les questions européennes, et d’être représentée dans les congrès. Ils voulaient bien défendre l’Autriche contre la Russie, mais à la condition qu’elle ne l’attaquerait pas et qu’elle se concerterait préalablement avec eux. Ni la Prusse ni l’Autriche n’admettaient que leur politique extérieure pût être à la merci d’une coalition fédérale. Souvent elles s’entendaient et n’arrivaient à Francfort qu’avec des résolutions arrêtées pour les imposer à leurs confédérés. Toutefois, divisées comme elles l’étaient dans la question d’Orient, il leur était difficile de ne pas rechercher séparément l’appui des cours allemandes. La diplomatie prussienne, comme le renard de la fable, promettait monts et merveilles aux petits états qui lieraient partie avec elle ; la diplomatie autrichienne s’adressait à la Bavière et lui offrait, dans le cas où ses propositions ne seraient pas adoptées par la Diète, une alliance séparée avec des avantages proportionnés aux sacrifices. C’étaient des accords perfides, des manœuvres souterraines, des échanges incessans de notes diffuses, d’explications embrouillées qui ne menaient à rien. « Il me serait difficile, écrivait M. de Moustier à son ministre, de faire comprendre l’embarras que j’éprouve à vous donner une idée claire de ce qui se passe en Allemagne : s’il y avait plus d’ordre et de logique dans ce que j’écris, il y aurait moins de vérité. »

M. de Bismarck devait révéler à Francfort les ressources de son esprit et montrer qu’il savait accommoder ses principes aux circonstances. Après avoir déversé le ridicule sur les confédérés de Bamberg et combattu leurs velléités ambitieuses, il trouva utile de les prendre sous son égide pour faire pièce à l’Autriche et l’amener à composition. Le second rang lui pesait ; il voulait avoir les mêmes droits et les mêmes prérogatives que le délégué impérial.

Mais cette manœuvre, habile comme stratégie, ne constituait pas à la Prusse une situation nouvelle et bien nette en Allemagne. La coalition de Bamberg s’inspirait de la même pensée que la coalition de Darmstadt, qui jadis avait valu un éclatant échec à l’ambition prussienne. L’esprit des coalisés était resté le même ; il n’y avait pas à Berlin un seul des représentans des cours allemandes, sauf peut-être celui du Wurtemberg, qui ne déclarât, à qui voulait