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le père est obligé de se rendre à Villers-Cotterets, tandis que Guettard et son collaborateur se dirigent sur Paris, après avoir laissé en chemin le domestique Joseph, qu’ils chargent de garder le cheval de Lavoisier, blessé par la maladresse d’un maréchal-ferrant. Le 19 octobre, jour où Punctis comptait les minutes à son tour, ils arrivaient à une heure à Champigny et le soir à Paris. Après les instans consacrés aux épanchemens de famille, Lavoisier, fidèle au plan de conduite qu’il s’était tracé, ne manqua pas, avant de prendre le repos nécessaire après une si longue journée de route, de faire, à onze heures et demie, une dernière observation barométrique. Mlle  Punctis ne jouit pas longtemps de la présence de son neveu ; deux jours après, il partait pour Villers-Cotterets, où son père était déjà rendu, et où il était ardemment désiré par ses autres parens. Pendant son séjour à Villers-Cotterets, il ne perdit pas un instant, et augmenta la somme de ses observations météorologiques et géologiques. Enfin il rentra à Paris avec son père dans le milieu du mois de novembre : la famille était reconstituée. Il rapportait de son voyage une masse considérable de documens qu’il s’occupa de mettre en ordre ; il réunit ses nombreuses analyses d’eaux dans un mémoire étendu, qui ne fut pas imprimé de son vivant[1], en même temps qu’il travaillait avec Guettard à utiliser leurs observations communes pour dresser l’atlas minéralogique de la France. En 1770, seize cartes étaient gravées. Guettard, rendant compte à l’Académie de l’état d’avancement de l’atlas minéralogique, s’applaudissait du concours précieux que lui avait prêté son collaborateur[2]. Celui-ci, du reste, malgré ses travaux ultérieurs, ne négligea pas cette œuvre et en poursuivit constamment la réalisation ; en 1772, il signalait au ministre Bertin la difficulté de suivre le plan primitif, d’après lequel l’atlas devait contenir deux cent trente cartes. Suivant un devis qu’il demandait à l’ingénieur-géographe Dupain-Triel, la gravure seule aurait coûté 85,000 livres, et comme on projetait de faire en même temps un atlas géographique extrêmement exact, il s’ensuivait que, les indications minéralogiques devant avoir la même exactitude, il était nécessaire de relever les fouilles, les carrières, les mines, au quart de cercle et à la planchette. Tel qu’il était projeté, l’atlas ne pouvait être établi qu’avec une dépense de 50,000 louis et au bout de soixante à quatre-vingts ans. Lavoisier proposa donc à Bertin de borner l’atlas minéralogique à vingt-huit cartes, de la dimension de celles de Cassini ; dans ces conditions, la publication serait terminée au bout de cinq ans, avec une dépense totale de 45.000 livres.

  1. Œuvres complètes, t. III, 1864.
  2. Journal de physique de l’abbé Rozier, 1775.