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de toutes les parties de l’Europe aux cours du Jardin du roi ; parmi eux, l’enthousiaste Diderot. Quoique les leçons de Rouelle n’aient jamais été imprimées, elles étaient dans les mains de tous les chimistes ; ses élèves rédigeaient avec soin les notes recueillies au cours ; l’un de ces rédacteurs était Diderot, dont le manuscrit, multiplié par la copie, répandait les doctrines de Rouelle[1]. Si celui-ci marqua peu par ses travaux originaux, il eut néanmoins une grande influence sur les progrès de la chimie, ses disciples furent les chimistes les plus éminens de la fin du XVIIIe siècle : Macquer, Bucquet, Bayen, Darcet et Lavoisier. Celui-ci, au sortir des leçons de Rouelle, les revoyait dans une des copies de la rédaction de Diderot et méditait sur les sujets qu’il venait d’entendre ; déjà il jetait sur le papier de courtes réflexions, où il exposait ses premières vues sur la nature des corps et des élémens. Enfin, ne négligeant aucune des branches des sciences, il étudiait aussi l’anatomie et acquérait, sur la structure du corps humain, les connaissances qui devaient lui permettre de devenir plus tard le rénovateur de la physiologie comme il le fut de la chimie.

Au milieu de ces études variées, il cherchait sa voie ; d’abord, à vingt ans, il semble se vouer surtout à l’étude des mathématiques, en même temps qu’il est attiré par la météorologie ; dès ce moment, il commence, dans sa maison de la rue du Four-Saint-Eustache, des observations barométriques qu’il devait poursuivre toute sa vie avec la plus grande régularité, les relevant plusieurs fois par jour, et les continuant même dans ses voyages d’affaires ; pour établir des comparaisons nécessaires, il chargeait alors sa chère tante Punctis ou son cousin Augez de Villers des observations à Paris, pendant qu’il les poursuivait en Normandie ou dans les Vosges. Se proposant de découvrir les lois qui président aux mouvemens de l’atmosphère, il avait compris qu’il fallait un nombre considérable d’observations, poursuivies pendant plusieurs années, et faites dans des lieux différens ; dès 1767, il avait un correspondant à Strasbourg. Plus tard, quand il eut acquis la fortune et la réputation, il fit construire à ses frais plusieurs baromètres et, après les avoir rigoureusement comparés, les adressa à divers savans avec lesquels il entretenait une correspondance active : à Montmorency, c’était le père Cotte, de l’Oratoire, connu par ses travaux de météorologie ; à Rochefort, Charles Romme, professeur de navigation, dont les travaux sur la construction des vaisseaux reçurent les récompenses de l’Académie[2] ; à Lorient, le commandant de la marine Thévenard ;

  1. Voyez la Revue scientifique de 1884, t. XXIV, p. 99 et 184.
  2. Il était le frère cadet de Gilbert Romme, qui, d’abord professeur de mathématiques, devint membre de la Convention et fut exécuté après l’insurrection de prairial an III.