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celui des femmes appartenant à la première, deux salles de dimensions identiques leur ont été réservées. Aussi en est-il résulté cette conséquence que les inculpées de droit commun sont très au large, tandis que les femmes détenues administrativement sont entassées les unes sur les autres. Cet entassement a été encore accru par une mesure récente. On garde aujourd’hui au dépôt, au lieu de les envoyer à Saint-Lazare, les femmes inscrites qui ont à subir une détention de quatre jours pour contravention aux règlemens qu’elles doivent observer. Dans la langue du métier, cela s’appelle : faire ses quatre jours. La salle affectée aux femmes inscrites est à peine suffisante pour recevoir celles qui s’y pressent quotidiennement, au nombre de cent cinquante à deux cents. La sœur chargée de la surveillance est perdue en quelque sorte au milieu de cette foule, et c’est même un singulier contraste à l’œil que celui de son ajustement sévère et de son attitude impassible dans la petite chaise où elle est assise, avec l’accoutrement et la tenue de ces femmes débraillées, qui rient et causent à haute voix, ou bien s’entassent dans les coins pour y dormir les unes sur les autres. L’aspect de cette salle est, il faut en convenir, assez choquant, mais les vices de l’aménagement et l’encombrement sont ici plus forts que toute la bonne volonté des sœurs. Cette promiscuité brutale présenterait même les plus sérieux inconvéniens, si les femmes qui y sont soumises n’étaient de celles dont il reste véritablement bien peu de chose à espérer. C’est, en effet, une règle absolue que toutes les femmes arrêtées pour un fait de prostitution, et qui ne sont pas inscrites sur les registres de la police, doivent être isolées. Le grand nombre de cellules dont on peut disposer au quartier des femmes permet que cette règle ne soit jamais violée, Les cellules affectées aux insoumises (c’est ainsi qu’on les nomme en langage administratif) donnent toutes sur un très long couloir, dans lequel se promène constamment une sœur. Quelques-unes de ces femmes, ou plutôt de ces jeunes filles, tombent, après leur arrestation, dans des crises de désespoir et de larmes qui peuvent dégénérer en attaques de nerfs et rendre nécessaire leur transport à l’infirmerie. Mais d’autres, — et c’est malheureusement le plus grand nombre, — affectent de conserver une attitude cynique et provocante. Rien qu’en ouvrant le petit judas pratiqué dans la porte de leur cellule, on peut s’assurer de la disposition morale où elles se trouvent. Les unes vous regardent avec effronterie, les autres se tournent contre la muraille, dans le coin le plus obscur de la cellule, ou se cachent la tête dans les mains, et il y a même quelque charité à ne pas leur imposer trop longtemps l’humiliation de se sentir regardées.

Les cellules qui ne sont pas affectées aux insoumises servent aux