Charles de Bernard, mais de nos jours le trait tomberait à faux. La tendance est plutôt de considérer les libérés comme des bêtes incorrigibles et malfaisantes, contre lesquelles il faut se mettre en garde par tous les moyens possibles. Mais s’il était démontré que le régime de nos prisons, loin d’effrayer ces bêtes, les rend au contraire plus malfaisantes encore, peut-être le sentiment de la sécurité publique menacée vaudrait-il un retour d’intérêt aux questions que soulève l’organisation de notre système pénitentiaire, questions discutées avec tant de passion par la génération de 1830. Peut-être aussi finirait-on par reconnaître que les philanthropes de profession et les émancipateurs de nègres (pour parler comme Charles de Bernard), qui demandent avec obstination la réforme de nos prisons, ne sont pas tout à fait des songe-creux. Sans doute, je suis un peu de cette famille, car je ne crains pas de dire qu’il y a, sur ce point, fort à faire, et je voudrais communiquer ma conviction aux rares lecteurs qui demeurent fidèles à cette aride série d’études. Ils ne s’étonneront pas si, après les avoir entretenus de la criminalité et de ses progrès, je leur parle aujourd’hui de la répression et de son inefficacité.
Un individu poursuivi par la clameur publique est arrêté dans la rue, ou bien, au contraire, il a été appréhendé à son domicile par un agent de la force publique porteur d’un mandat de justice. Que va devenir cet individu ? Dans quel lieu va-t-il tout d’abord être conduit ? Pendant tout le temps que durera sa détention préventive, à quel régime va-t-il être soumis ? S’il est condamné, dans quel établissement subira-t-il la peine portée contre lui ? A toutes ces questions, nous aurons occasion de répondre, en suivant cet individu d’étape en étape, depuis l’instant où la main de la justice s’abat pour la première fois sur lui jusqu’à celui où elle le remet en liberté, après lui avoir fait expier sa faute. Cette austère promenade à travers les lieux consacrés à la répression n’aura pas seulement pour résultat de nous édifier sur leur organisation intérieure ; elle nous amènera aussi à traiter certains problèmes de législation criminelle dont la solution est inséparable (on commence, mais malheureusement un peu tard, à s’en apercevoir aujourd’hui) de toute réforme sérieuse de nos établissemens pénitentiaires.
A partir du moment où il a été appréhendé au corps par un agent de la force publique, l’inculpé (pour me servir du terme juridique) perd la faculté de disposer de sa personne ; mais il n’est pas pour cela en état d’arrestation légale. Cette saisie individuelle n’a pour but que de le maintenir à la disposition de la justice jusqu’au