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assez dire, de bourrer de vivres et de munitions Médéa et Miliana, afin d’assurer, non pas seulement la vie et la défense de leurs garnisons, mais encore et surtout l’action et la mobilité des colonnes qu’il avait décidé d’en faire sortir. C’est ainsi que, pendant les neuf derniers mois de l’année 1841, il n’y eut pas moins de seize convois de ravitaillement, neuf pour Médéa, sept pour Miliana.

La difficulté cependant n’était pas médiocre, car les moyens de transport étaient notoirement insuffisans. Depuis que le général Bugeaud, dans ses campagnes de 1836 et de 1837, avait proscrit les lourds charrois, et substitué autant que possible aux bêtes de trait les bêtes de somme, il aurait fallu que l’administration militaire eût augmenté et surtout maintenu à un chiffre élevé le nombre de celles-ci en conséquence. Or, au printemps de 1840, elle avait bien réuni jusqu’à 2,600 mulets, ce dont elle était justement fière ; mais, un an après, à la fin du mois de mars, au moment de marcher, il n’en existait plus que 600, et de ces 600, les deux tiers seulement se trouvaient valides. Le général Bugeaud, qui, devant une difficulté, quelle qu’elle fût, n’était jamais à court, mit immédiatement en réquisition, suivant un tarif raisonnable, tous les mulets d’Alger et du Sahel. Il fit plus : en dépit des protestations et des cris d’horreur qu’arrachait aux officiers de cavalerie la seule idée d’un pareil scandale, il décida que tous les chevaux de troupe, conduits en main, porteraient un sac de riz ou de farine, du poids de 60 kilogrammes.


II

Le 30 mars, le corps expéditionnaire se mit en mouvement, toucha le lendemain à Blida et fit halte près de Haouch-Mouzaïa, le 1er avril. Persuadé, comme le maréchal Valée, naguère, qu’on devait trouver quelque part dans la montagne cette communication directe entre Blida et Médéa que Changarnier avait inutilement cherchée l’année précédente, Duvivier s’était fait fort d’y réussir. Pendant qu’il partait d’Aïn-Tailazid avec trois bataillons à l’aventure, le gros de la colonne, couvert par Changarnier sur la gauche, montait sans obstacle au col de Mouzaïa, bivouaquait le soir au bois des Oliviers, versait le convoi dans Médéa et revenait coucher au même bivouac.

C’était, comme on pouvait s’y attendre, contre Duvivier que s’était porté l’effort de l’ennemi. Attaqué sur un terrain encore plus tourmenté que celui d’où Changarnier, en 1840, s’était tiré non sans peine, fusillé par des embuscades de Kabyles que soutenait le bataillon régulier de Barkani, il dut à l’énergie du colonel Bedeau