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Alger. On ne doit pas inférer de sa nomination que l’occupation sera restreinte ; la campagne qui doit s’ouvrir au printemps prouvera le contraire. »

Aussi, dès son débarquement, le 22 février 1841, en prenant la direction des affaires auxquelles l’ancien chef d’état-major du maréchal Valée, le général Schramm, avait pourvu depuis un mois par intérim, le premier soin du nouveau gouverneur fut-il d’éclairer et de ramener à lui l’opinion par des déclarations dont la franchise devait lever tous les doutes chez les esprits droits et raisonnables.

« Habitans de l’Algérie, disait-il dans une proclamation à la population civile, à la tribune comme dans l’exercice du commandement militaire en Afrique, j’ai fait des efforts pour détourner mon pays de s’engager dans la conquête absolue de l’Algérie. Je pensais qu’il lui faudrait une nombreuse armée et de grands sacrifices pour atteindre le but ; que, pendant la durée de cette vaste entreprise, sa politique pourrait en être embarrassée, sa prospérité intérieure retardée. Ma voix n’était pas assez puissante pour arrêter un élan qui est peut-être l’ouvrage du destin. Le pays s’est engagé, je dois le suivre. J’ai accepté la grande et belle mission de l’aider à accomplir son œuvre ; j’y consacre désormais tout ce que la nature m’a donné d’activité, de dévouement et de résolution. Il faut que les Arabes soient soumis, que le drapeau de la France soit seul debout sur cette terre d’Afrique. Mais la guerre, indispensable aujourd’hui, n’est pas le but. La conquête serait stérile sans la colonisation. Je serai donc colonisateur ardent, car j’attache moins de gloire à vaincre dans les combats qu’à fonder quelque chose d’utilement durable pour la France… Formez donc de grandes associations de colonisateurs ; mon appui, mon zèle de tous les instans, mes conseils d’agronome, mes secours militaires, ne vous manqueront pas. L’agriculture et la colonisation sont tout un. Il est utile et bon, sans doute, d’augmenter la population des villes et d’y créer des édifices ; mais ce n’est pas là coloniser. Il faut d’abord assurer la subsistance du peuple nouveau et de ses défenseurs que la mer sépare de la France ; il faut donc demander à la terre ce qu’elle peut donner… »

Aux militaires, il disait : « Soldats de l’armée d’Afrique, le roi m’appelle à votre tête. Un pareil honneur ne se brigue pas, car on n’ose y prétendre ; mais si on l’accepte avec enthousiasme pour la gloire que promettent des hommes comme vous, la crainte de rester au-dessous de cette immense tâche modère l’orgueil de vous commander. Vous avez souvent vaincu les Arabes, vous les vaincrez encore ; mais c’est peu de les faire fuir, il faut les soumettre… La campagne prochaine vous appelle de nouveau à montrer à la France ces vertus guerrières dont elle s’enorgueillit… Je serai attentif à