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dont nous réclamons l’institution légale. Les jurés pourraient, soit être désignés par les deux parties, comme dans les jurys officieux, soit être l’objet d’un tirage au sort, comme dans le jury ordinaire, sur des listes dressées d’avance. Joute la différence, dans ce dernier système, consisterait à substituer des listes spéciales à la liste générale, par exemple pour le cas où un magistrat aurait été diffamé par un journaliste, deux listes, l’une de magistrats, l’autre de journalistes, dans chacune desquelles les jurés seraient pris en nombre égal. Le droit de récusation pourrait d’ailleurs s’exercer dans les mêmes formes. D’autres combinaisons également légitimes pourraient être proposées. Un seul point est essentiel : c’est que toutes les conditions soient réunies pour donner au jugement qui sera rendu, dans une matière aussi délicate, la plus haute autorité.


VIII

Nous ne voudrions, pour l’honneur offensé, qu’une réparation purement civile. La mauvaise foi et l’intention malhonnête sont trop difficiles à établir, lors même que les accusations sont reconnues mal fondées, pour qu’une condamnation pénale soit toujours assurée de l’assentiment des consciences. One réparation civile sera suffisante si elle est accordée par des juges dont les lumières et l’impartialité soient incontestables.

La réparation peut être de deux sortes : morale ou matérielle. La réparation morale repose sur l’autorité du jugement ; elle est assurée par sa publicité. Elle sera entière si la fausseté des imputations a pu être établie. Elle sera nécessairement imparfaite s’il subsiste des doutes ou si la preuve n’a pu être admise.

Nul jugement, si éclairé qu’on le suppose, ne peut être certain de dissiper, en toute matière, toute obscurité ; mais, lorsqu’on a le malheur de ne pouvoir mettre son honorabilité au-dessus de tout soupçon, un jugement favorable, prononcé par d’honnêtes gens, même s’il contient ou s’il implique l’aveu de quelque doute, reste toujours le plus haut témoignage et la meilleure réparation que l’on puisse espérer.

La situation est plus pénible si les faits mêmes qui font l’objet de la diffamation n’ont pu être discutés. Nous avons exposé les raisons qui, en thèse générale, sauf les cas exceptionnels, doivent faire écarter une telle discussion. Elle ne doit pas être imposée au plaignant et, lors même qu’il l’accepte ou qu’il la réclame, il faut prévoir le cas où elle pourrait nuire à des tiers. Il faut même prévoir un cas plus odieux : celui d’une connivence entre le diffamateur et le diffamé pour provoquer un débat public où l’honneur