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bien qu’en Italie, il n’y a qu’un remède efficace : c’est une bonne constitution comme celle qui régit la France, et dont il apprécie les mérites chaque jour davantage. Même dans les affaires d’Orient, il se montre plus libéral, plus humain que l’empereur Alexandre, qui semblait cependant désigné pour être le champion de l’indépendance des peuples chrétiens, mais qui s’obstine à confondre les aspirations nationales des Hellènes avec les revendications des démocrates occidentaux.


Je vous suis très obligé, écrivait Richelieu à Sicard, de votre exactitude à me tenir au courant des affaires de ces pauvres Grecs, qui me paraissent avoir pris, pour secouer le joug, le moment le plus inopportun. Je crains bien qu’il n’arrive de grands malheurs ; car les révolutions et les contre-révolutions ne se font pas à l’eau de rose dans ces contrées comme dans les nôtres… Dans tous les cas, je prévois une suite de massacres et de dévastations dont il est difficile de poser le terme. Dans ces circonstances, nous avons fait, je crois, tout ce qui dépendait de nous… Outre ce que nous avons dit à Constantinople, nous avons renforcé nos stations dans le Levant… Notre pavillon se montrera partout et prêtera son appui à tous les êtres souffrans et opprimés.


Est-ce donc un mince honneur pour Richelieu que d’avoir fait tous ses efforts pour empêcher la funeste expédition d’Espagne et préparé l’expédition libératrice de Grèce ?

Si, par une juste reconnaissance, il se montre déférent envers les conseils de son « souverain adoptif, » tout en lui résistant quand la cause de la liberté ou l’intérêt du pays se trouve en jeu, il faut noter sa fière attitude à l’égard des autres puissances. Quand l’Autriche menace d’occuper les états du roi de Piémont, « tout vaudrait mieux pour nous, s’écrie-t-il, que de laisser voir à notre peuple des sentinelles autrichiennes au bout du pont du Var ou du pont de Beauvoisin ! » Quand l’Angleterre, sous prétexte de châtier les Barbaresques, essaie d’imposer sa suprématie aux autres marines européennes, « je ne consentirai jamais, écrit le duc, qu’un brick français se trouve sous les ordres d’un amiral anglais. » Voilà le langage que tenait Richelieu au lendemain de l’invasion.

En 1821 prit fin son second ministère. L’homme qui était entré aux affaires pour contenir les aspirations révolutionnaires succombait sous les intrigues des ultra-royalistes. Ses ennemis l’accusaient d’être trop Russe, eux qui allaient subir aveuglément les plus fâcheuses influences de la Russie ; on oubliait que c’était parce qu’il avait été assez Russe qu’il avait pu sauver la France des convoitises anglaises et allemandes. Il revint à son projet de voyage