Et les sacs d’écus qu’on entasse
Ne sauraient payer les vingt ans
Du joyeux vagabond qui passe,
Une fleurette entre les dents !
Malgré vos duretés, ô riches,
Je me sens pour vous indulgent,
Quand je songe aux bonheurs postiches
Qu’on vous donne pour votre argent.
On étouffe au théâtre, on crève.
La Patti va donner le sol…
Dans le bois où la lune rêve,
J’écoute un divin rossignol.
Payez très cher la courbature,
La gastrite et ce qui s’ensuit…
Elle est à vil prix, la nature.
Le soleil couchant est gratuit.
Pièce d’or aux doigts du poète,
Je sens, quand j’y réfléchis bien,
Que pour moi tu n’étais pas faite.
Ce que j’aime ne coûte rien.
En vain, médaille solitaire,
Tu dardes ton fauve reflet.
Plus mon regard le considère
Et plus la splendeur me déplaît.
O vieux napoléon ! je pense
Que rarement tu fus donné
Comme une juste récompense,
Comme un salaire bien gagné.
Je distingue, avec un malaise,
Ton millésime et ton poinçon.
Pièce d’or de mil-huit-cent-treize,
As-tu payé la trahison ?
L’Empereur courait aux défaites.
Pour toi, l’un de ses généraux
A-t-il, Judas en épaulettes,
Vendu la France et son héros ?
Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 84.djvu/446
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.