Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 84.djvu/321

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

observations sont mieux faites et de plus en plus méthodiques. Mais les trois degrés, théologique, métaphysique, positif, n’ont rien de réel. Autant vaudrait accuser M. Comte d’être théologique, parce que, sur ses derniers jours, il a imaginé une religion qui n’avait pas plus d’avenir que le reste de son système. Cette théorie des trois périodes de la science est particulièrement chère au positivisme, parce qu’il s’en est fait un piédestal aux dépens de ce qui l’a précédé, et qu’il croit se grandir en abaissant tout ce qui n’est pas lui. Positif, c’est le vrai ; théologique et métaphysique, c’est le faux. Le positivisme est tellement satisfait de ses trois périodes qu’il les retrouve jusque dans l’individu, tout aussi bien que dans l’humanité. L’enfant commence par être théologique, dans le peu qu’il sait ; jeune homme, il est à l’état métaphysique ; adulte ou vieillard, il devient positiviste. De tels rapprochemens sont-ils sérieux ?

Ce qui l’est peut-être davantage, c’est la classification des sciences ; elle est considérée par M. Comte et son école comme le cœur et la gloire de sa doctrine. Cette tentative n’était pas précisément la première de ce genre ; on en trouverait le plus ancien germe dans la république de Platon. Depuis Bacon, nos encyclopédistes du XVIIIe siècle, et Ampère, le physicien, avaient renouvelé l’épreuve, sans beaucoup plus y réussir. Une classification des sciences est à peu près impossible, comme l’échelle des êtres, à cause de la complexité infinie de la nature ; on peut demander à Cuvier, après Linné, combien une classification, même très imparfaite, rencontre d’obstacles insurmontables, non pas même pour la nature entière, mais pour un seul de ses règnes, le règne animal, à ne mentionner que celui-là. Quoi qu’il en soit, M. Auguste Comte classe les sciences selon que les faits qu’elles étudient sont plus ou moins généraux. Il commence par les mathématiques, calcul, géométrie, mécanique rationnelle ; après les mathématiques, c’est l’astronomie, qui présente les faits les plus simples ; puis, la physique ; après la physique, la chimie ; après la chimie, la physiologie, et enfin la sociologie, ou physiologie sociale. Telles sont les sciences principales, au nombre de six. Selon le positivisme, elles comprennent tout le savoir possible.

Mais la philosophie, où est-elle dans tout cela ? La philosophie, répond le positivisme, consiste uniquement à condenser, pour chacune des sciences, les généralités que l’esprit humain peut en extraire ; l’ensemble de ces généralités, plus ou moins clairement déduites, forme toute la philosophie. Quant à la science de l’esprit, la psychologie faisant partie de la physiologie, soit physique, soit sociale, elle n’a pas de rang dans la série scientifique, loin d’avoir le premier rang que lui assigne la philosophie vulgaire ; tout au