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sa signature manquait encore. En cas de nouveau refus ou de nouveaux délais, c’était la suppression, cette fois définitive, de tout concours pécuniaire ou militaire de la part de l’Angleterre, et la rupture consommée avec les deux puissances maritimes.

Il paraîtra sans doute assez étrange de voir le cabinet britannique tenter une fois de plus auprès de Marie-Thérèse, dont la fermeté, pour ne pas dire l’obstination, était connue, une démarche qui venait d’être si récemment, à deux reprises, repoussée avec dédain. On ne voit pas trop de quelle espérance le triste Robinson pouvait se flatter en revenant sitôt à la charge ; aussi ne peut-on s’expliquer cette insistance que comme l’effort désespéré d’un gouvernement placé dans le plus cruel des embarras, et se rattachant à tous les moyens de salut, de même qu’un nageur, qui sent que le flot le gagné, saisit toutes les branches qu’il trouve à sa portée, sans regarder si elles sont assez fortes pour le soutenir, et si ce n’est pas son étreinte même qui les fera rompre.

Effectivement, pendant les dernières semaines qui venaient de s’écouler, la situation du gouvernement anglais, déjà très alarmante au moment où avait été signée la convention de Hanovre, s’était singulièrement aggravée. Jamais, depuis son avènement, la dynastie de Brunswick n’avait été mise à pareille épreuve. La rébellion d’Écosse continuait à se propager avec une effrayante rapidité, et Charles-Édouard, dans sa marche sur Édimbourg, ne rencontrait aucun obstacle sérieux. Les troupes anglaises, commandées par un très médiocre général (sir John Cope) et intimidées par l’hostilité visible des populations, hésitaient et reculaient au moment d’engager la lutte. Le 17 septembre, l’héritier des Stuarts était reçu en triomphe dans la capitale et prenait possession, au nom de son père, du royaume de ses aïeux. Trois jours après, c’était lui qui venait relancer les Anglais dans la retraite qu’ils avaient choisie. Un brouillard épais, tel que l’automne en amène souvent dans cette contrée brumeuse, favorisa l’attaque des Écossais, qui, connaissant tous les accidens du terrain, vinrent facilement à bout d’adversaires réduits à combattre à l’aveugle et dans l’obscurité. Cope dut se retirer en pleine déroute. La victoire de Preston-Pans livrait à Édouard l’Écosse entière et lui ouvrait l’entrée de l’Angleterre.

Là, sans doute, il n’avait plus à compter sur la faveur, populaire, et il devait s’attendre, de la part de l’esprit britannique et protestant, à une résistance plus énergique. Il était même douteux qu’il pût conduire bien loin, sur la route de Londres, ses braves highlanders, troupe aussi indisciplinée que fougueuse, très forte dans ses montagnes et sur son terrain, dépaysée et mal à l’aise dès