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sions mentionnées plus haut, à Henslow, Ramsay et Dawes, car j’avais, dans une excursion précédente, parlé des beautés de Ténériffe, et quelques-uns d’entre nous avaient déclaré qu’ils tâcheraient d’y aller ; mais je suppose qu’ils ne parlaient pas sérieusement. Pour moi, j’étais très sérieux, et j’obtins une introduction pour un négociant de Londres, afin de m’informer au sujet des moyens de transport. »

En dehors de ses camarades de plaisir et de chasse, il sut se lier à Cambridge avec des amis plus sérieux. Quelques-uns faisaient partie du Club des Gourmets (ou des Gloutons ?) dont Darwin était membre. Le club avait pour but de faire des recherches expérimentales sur des mets nouveaux, et l’on essayait chaque semaine de quelque animal jusque-là dédaigné par le palais humain. L’on essaya du faucon et d’autres bêtes ; mais le zèle du club mollit après l’essai d’un vieux hibou brun, « qui fut indescriptible, » dit l’un des convives. — Darwin se lia beaucoup, — plus que cela n’avait communément lieu entre élève et maître, — avec Henslow, professeur de botanique. Cette amitié eut une influence décisive sur sa vie. Henslow était un homme de savoir très étendu, ne se contentant pas de ses connaissances spéciales, mais possédant à fond beaucoup de sujets étrangers à la botanique. C’était un érudit de premier ordre, mais il n’y avait rien de pédant en lui ; son cœur et sa bonté rapprochaient ceux que son intelligence eût pu tenir à distance, et l’on sentait en lui un ami, un camarade, et non le maître.

Durant son séjour à Cambridge, Darwin ne travailla guère, a-t-il été déjà dit. Les humanités ne le séduisaient pas, les mathématique lui répugnaient. Il n’aimait, en réalité, que la musique, la chasse et la récolte des insectes. Cette dernière occupation l’intéressait beaucoup et témoignait du vif attrait qu’avaient pour lui les sciences naturelles. Non-seulement il pratiquait l’entomologie avec un zèle infatigable, mais il inoculait encore ce goût à ses amis, les priant de chercher, durant les vacances, les insectes qui lui manquaient ; tels d’entre eux, à quarante ans de distance, se rappellent encore des noms d’espèces rares auxquelles il avait réussi à les intéresser.

L’entomologie faisait du tort au programme des études, car, dans une lettre à son ami intime et parent Fox, il écrit en 1829 : « Graham a souri et m’a salué si poliment, quand il m’a dit qu’il avait été désigné pour faire partie des six examinateurs, et qu’ils étaient décidés tous à rendre l’examen tout différent de ce qu’il a été jusqu’ici, que je conclus de ceci que ce sera le diable à passer pour les paresseux et les entomologistes. »