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les classes inférieures du peuple, il n’y a point de morale sans religion, et si la foi religieuse, sur laquelle repose l’impératif catégorique des dix commandemens, est minée dans le peuple, le fondement de la morale tombe avec elle : l’immoralité prend la place des bonnes mœurs. » Et, plus loin : « Le caractère de la criminalité dans le cours des années ne s’est pas amélioré ; au contraire, il a empiré. Le ferment morbide qui trouve son expression dans le crime donne lieu aux préoccupations les plus sérieuses par le nombre croissant des crimes et par sa malignité croissante. »

Aucun autre parti politique n’a en Allemagne une organisation comparable à celle des socialistes. Le socialisme collectiviste grandit avec une vigueur inouïe, malgré les mesures prises pour empêcher son développement. Si les grandes villes industrielles sont en son pouvoir pour la représentation au parlement, la propagande s’étend aussi aux districts ruraux. Aux dernières élections du 21 février de cette année, des contrées jusque aujourd’hui à l’abri des menées du parti ont été entamées avec succès. Dans la circonscription de Hildesheim, notamment, le nombre des voix socialistes s’est élevé, dans l’espace de trois ans, de 500 à 2,830. En Saxe, malgré l’état de siège établi à Leipzig, les suffrages en faveur des candidats communistes se sont élevés de 129,000 en 1884 à 151,000 en 1887. A Hanovre-Linden, les socialistes ralliaient à peine 1,986 voix en 1871 : trois années après, le chiffre atteint était 3,853 ; en 1877, il s’est élevé à 5,604 ; en 1878, à 6,588 ; en 1884, à 12,180, et en 1887, à 16,526. A Berlin, la progression est plus imposante encore : en quinze ans, les suffrages du parti, limités à la quantité négligeable de 2,058 pour l’année 1871, se sont élevés à 68,535 en 1884, pour atteindre le nombre de 94,259 en 1887, en dépit des lois d’exception édictées contre les meneurs. Un manifeste communiste, répandu dans la capitale à un nombre d’exemplaires énorme, malgré tous les efforts de la police, exposait aux électeurs que a plus l’agitation pour la cause commune serait vigoureuse, plus elle hâterait le moment où le feu purifiant de la révolution dévorerait ce vieux monde rempli de crimes et de violences. » Lors d’une réunion tenue il y a quelques années, les chefs ont donné le mot d’ordre : « Pas de sociétés secrètes ni de conspirations. Contentez-vous de vous rencontrer quatre ou cinq ensemble dans vos demeures. Il n’y a pas de police qui puisse empêcher cela ; tous les agens de Berlin ne suffiraient pas pour surveiller de semblables réunions. » La parole de Bebel au Reichstag devient une réalité : « Nous avons des partisans là où vous ne les soupçonnez même pas, où la police ne pénétrera jamais. » Oui, les progrès du