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laquelle l’Astrée se préparait à donner la remorque. Le délabrement de sa mâture, l’épuisement de ses munitions, ne lui permettaient pas de livrer, contre des forces qu’il jugeait supérieures, un nouveau combat. Ce fut déjà beaucoup de pouvoir, avec des mâts et des vergues aussi compromis, rentrer sain et sauf à l’Ile-de-France.

Il était dans la destinée du commodore Rowley de réparer, par un incessant labeur, les fautes de tout genre commises autour de lui. Une grande expédition anglaise, nous l’avons déjà lait pressentir, s’organisait en ce moment à l’île Rodrigue. Les autorités de l’Inde croyaient les ports de l’Ile-de-France hermétiquement bloqués : ils expédiaient, sans précaution, les bâtimens de guerre isolés ; sans escorte, les transports chargés de troupes. Une corvette de la compagnie, l’Aurore, de 16 bouches à feu, tombait, le 20 septembre, au pouvoir de Bouvet, qui la ramassa sur sa route. Trois jours auparavant, une capture bien plus importante encore avait été accomplie par la frégate la Vénus, que commandait le capitaine Hamelin. Le général Abercromby s’était embarqué, dans l’Inde, sur la frégate le Ceylan. Il venait prendre à l’île Rodrigue le commandement en chef des troupes de l’expédition qui allait être dirigée contre l’Ile-de-France. Le vent d’est conduisit la frégate anglaise en vue du Port-Louis. Les vigies la signalèrent : à deux heures du matin, elle recevait à portée de pistolet toute la bordée de la Vénus lancée à sa poursuite. A quatre heures, elle était prise. Cette fois encore, Rowley eut le dernier mot. Il ne reprit pas seulement le Ceylan, il s’empara aussi de la Vénus à moitié démâtée, après une demi-heure de combat.

Rowley possédait de nouveau quatre frégates. Il était désormais en mesure de rétablir le blocus de l’île : aucun de nos bâtimens, à l’exception de l’Astrée et du Victor, n’aurait pu, quelque hâte qu’on mit à les réparer, reprendre la mer. Le sort de l’Ile-de-France ne faisait plus question. Soixante-dix voiles, — vaisseaux de ligne, frégates, bâtimens de transport, amenant près de 25,000 hommes, — atterrirent de divers côtés le 26, le 27, le 28, le 29 novembre. Noos n’avions à opposer à l’armée de débarquement du général Abercromby que 1,600 hommes environ, tout compris, soldats, miliciens, matelots. Le 3 décembre1810, la capitulation était signée : notre pavillon disparaissait des mers de l’Inde. Grand soulagement pour le commerce anglais, mais soulagement facile à se procurer, quand, par la guerre d’escadre, on dispose de la suprématie navale.