Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 84.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a signée avec le plénipotentiaire autrichien, le général de Hess, bien qu’il eût préféré, en thèse générale, ne pas marcher à la remorque de l’Autriche ; mais il trouve que cela vaut mieux que de se mettre à la remorque de la Russie. Il se loue du général de Hess, qui n’a pas insisté sur le renouvellement du traité d’Olmütz, et qui a consenti à une simple garantie territoriale pour la durée de la guerre actuelle. M. de Manteuffel travaille à soustraire son pays à la tutelle de la Russie et à se rapprocher de nous. C’est le fond de sa politique. Pour qu’elle changeât, il faudrait qu’il fût renversé, et M. de Manteuffel ne peut être remplacé. Sa chute sur la question russe serait le commencement d’une révolution, tant l’opinion qui le pousse dans cette question paraît s’accentuer chaque jour. Pouvons-nous, toutefois, attendre mieux qu’une neutralité sincère et même bienveillante pour nous ? Oui, si la Prusse y voit un intérêt évident. Tant que M. de Manteuffel sera là, je le répète, nous pouvons être sûrs que la Prusse ne prendra pas parti pour la Russie. Pour en être certains, nous n’avons pas besoin d’assurances verbales ; il nous suffit de voir l’opinion publique, les sentimens hautement manifestés des masses, mais surtout de cette bureaucratie, si puissante ici, qui a la main partout, qui dirige et forme les courans, qui, plus qu’aucune autre partie de la nation, a le sentiment du patriotisme prussien et n’a pas oublié le rôle que la Prusse a joué à Olmütz, grâce à l’empereur Nicolas. C’est là ce que M. de Manteuffel représente au ministère, et c’est pour nous la garantie de sa conduite. »


VI. — LES PROLEGOMENES DE BIARRITZ.

Le marquis de Moustier plaidait les circonstances atténuantes ; loin d’indisposer son gouvernement contre la Prusse et ses hommes d’état, il s’appliquait au contraire de toute son autorité et de son talent à atténuer dans ses correspondances l’irritation que causait à Paris et à Londres une politique pleine de réticences. Il préparait les voies dans lesquelles M. de Bismarck, appelé à la direction des affaires, devait, dix ans plus tard, entrer si résolument. Il prévoyait que le frère du roi, arrivé au trône, rechercherait le bon vouloir de la cour des Tuileries et s’appuierait sur elle pour faire prévaloir la légitime expansion de l’influence prussienne en Allemagne. M. de Moustier poursuivait une intime entente avec le cabinet de Berlin sur toutes les questions d’ordre européen ; il n’allait pas au-delà. Il ne pouvait pas pressentir que Napoléon III, à ce moment si sage, si bien inspiré, ferait l’Italie pour la jeter dans les bras de la Prusse, qu’il laisserait péricliter son armée et serait surpris par les