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universel du jour, prendre pour des vérités tous les commérages, toutes les diffamations, tous les raffinemens d’invention et d’interprétation. Il ne faudrait pas exagérer des faits qui malheureusement n’ont rien de nouveau ni de bien particulier, qui sont de tous les temps et de tous les pays. Il ne faudrait pas surtout laisser croire que l’armée puisse être atteinte dans sa dignité par des défaillances individuelles, isolées, tout accidentelles, et lorsque M. le ministre de la guerre, dans un discours tout récemment prononcé à Chartres, a saisi l’occasion de relever l’intégrité morale de l’armée, il a fait son devoir; il a parlé comme il le devait de cette grande corporation militaire dont il est le chef, qui, à travers toutes les épreuves, reste intacte dans sa vie d’abnégation, d’honneur et de discipline. Au fond, ce qu’il y a de plus caractéristique dans ces faits sur lesquels on se plaît à répandre de si tristes lumières, ce n’est ni la nouveauté, ni le nombre, c’est la coïncidence avec une certaine situation publique. Qu’on y songe bien! tous les régimes s’épuisent et ont leurs périodes critiques. Il y a des momens où ces maladies morales se dévoilent tout à coup, et où il y a des épidémies de mauvaises affaires. En 1847, — on n’était pas loin de 1848 ! — Les incidens pénibles se multipliaient, et il y avait aussi des militaires compromis dans des aventures scandaleuses. Aux derniers temps du second empire, les surprises cruelles, les divulgations bruyantes éclataient à chaque pas. C’est l’histoire du passé ; il reste à savoir ce que sera l’histoire de demain!

C’est ce qui devrait donner à réfléchir à la veille d’une session qui va s’ouvrir dans des conditions certainement difficiles, avec ce cortège de tristes incidens et la perspective de conflits parlementaires qui menacent d’être plus ardens, plus passionnés que jamais. Il n’est point douteux, en effet, que dans cette situation intérieure telle qu’elle apparaît à l’heure où nous sommes, il y a des difficultés de toute sorte nées de l’animosité des partis, des divisions croissantes, de la confusion des opinions, et qu’on ne voit plus trop comment ces difficultés seront dénouées ou tranchées. On va se trouver en présence dans la situation la plus singulière assurément, la plus obscure, la plus troublée et peut-être aussi la plus périlleuse qu’on ait vue depuis longtemps. Tout le mal est venu, on peut le craindre, de ce que le ministère ou, pour mieux dire, M. le président du conseil qui le personnifie et M. le ministre de l’instruction publique qui est son lieutenant, qui ne laisse échapper aucune occasion d’exposer les bonnes intentions du gouvernement, ont hésité à prendre un parti, à marcher résolument dans la voie où ils paraissaient être entrés en arrivant au pouvoir. M. le président du conseil a pris, non sans courage, ce qu’on pourrait appeler une attitude ; il n’a pas eu une politique ou, du moins, il n’a pas accepté les conséquences de la politique de conciliation pratique et d’apaisement libéral qu’il semblait porter aux affaires. Par son langage, il a paru