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avec l’Orient; ils le sollicitaient comme une faveur de l’ambassadeur de France à Constantinople. »

La plupart des faits qui vont suivre sont fournis par les archives du ministère du commerce à Paris, et par celles des chambres de commerce de Paris et de Marseille. On y verra par quels moyens les rois de France avaient su donner à notre pays dans le Levant la position prépondérante qu’il a perdue. Dans les temps qui suivirent François Ier, les Génois et les Vénitiens avaient reconquis la leur et avaient vu apparaître dans les mers ottomanes deux nouveaux concurrens : les Hollandais et les Anglais. Au milieu du XVIIe siècle, une première tentative fut faite par vingt-quatre personnes de Marseille pour coloniser les pays musulmans. Les événemens de la fin du règne de Louis XIII la firent échouer. Mais peu après, sous Louis XIV, l’aristocratie française, qui se tient aujourd’hui si à l’écart, comprit que l’avenir de la France était lié à nos relations extérieures. L’impulsion fut donnée par les grands marins d’alors, Tourville, d’Estrées, Duquesne, de Vivonne, le comte de Châteaurenault, le marquis de Martel. On généralisa la concurrence; cinq grandes compagnies françaises furent créées pour lutter contre le commerce des étrangers dans toutes les parties du monde ; celle du Levant est de 1664 ; un arrêt du conseil d’état, provoqué par Colbert, en régla la situation. Aux termes de cet arrêt, qui a été conservé, le roi dépensait de fortes sommes pour détruire la piraterie et faire des avances aux compagnies des Indes, du Nouveau-Monde et du Nord ; son intention ferme était de favoriser aussi par tous les moyens la compagnie du Levant dans son trafic avec les côtes et pays de la domination du grand-seigneur, de Barbarie et d’Afrique. Sa majesté ordonnait donc qu’il fût payé 10 livres pendant quatre ans pour chaque pièce de drap transportée en ces pays ; que l’entrée et la sortie fussent libres de tout impôt pour les munitions et vivres nécessaires aux navires de la compagnie ; que celle-ci ne payât aucun octroi ni droit, soit d’entrepôt, soit autre, pour les marchandises apportées de ces pays ou exportées de France. Le roi donnait le droit de bourgeoisie, et tous privilèges et exemptions aux commis et employés de la compagnie du Levant, déclarait insaisissables les parts (actions) des intéressés, même pour les affaires de sa majesté ; déclarait mystiques les livres et comptes vis-à-vis des créanciers avant que ces comptes fussent officiellement arrêtés. En outre, le roi prêtait pour six ans à la compagnie la somme de 200,000 livres sans intérêt, consentant à n’être remboursé que du tiers, si les deux autres tiers étaient perdus. Enfin, le roi promettait de la défendre envers et contre tous, même par les armes, de lui « faire faire raison de toutes injures et mauvais traitemens, » de faire escorter